"Voyage dans l'au-delà : les Bretons et la mort" de Bernard Rio
préface de Claude Lecouteux, professeur émérite à La Sorbonne
Parution le 5 septembre aux éditions Ouest-France
Les Bretons entretiennent des relations singulières avec la Mort et les morts, tel est le constat de cette vaste enquête dans la Bretagne d’aujourd’hui. “L’Ankou” n’est pas seulement un personnage de légende. Ce “conducteur des morts” dans l’au-delà apparaît toujours au 21e siècle comme en attestent plusieurs témoins dignes de foi. A l’ère d’internet, les Bretons perçoivent de nouveaux intersignes annonçant les décès ou révélant la présence des “Anaon”, les “âmes errantes” qui hantent les chemins et les maisons. Perdues au fond des bois, des tombes immémoriales continuent de recevoir les offrandes de visiteurs anonymes !
Quel sens donné à ces phénomènes mystérieux, révélateurs d’un véritable culte des morts et d’une croyance dans l’autre monde ? Qu’est-ce que le marteau bénit ? Pourquoi dépose-t-on le cercueil du défunt à la croisée du transept dans l’église ? A quoi reconnait-on la présence de l’Anaon ? Qui est l’autostoppeuse fantôme ? Où voir la danse macabre ? Qui sont les passeurs d’âmes ? Autant de questions auxquelles Bernard Rio apporte des réponses dans ce livre qui renouvelle complètement la célèbre légende de la Mort écrite par Anatole Le Braz au XIXe siècle. “Voyage dans l’au-delà” par Bernard Rio est un livre essentiel pour qui veut décrypter les intersignes et comprendre les rites funèbres de la Bretagne ancienne et moderne.
Avant-propos
« Les morts instruisent les vivants » écrit François-René de Chateaubriand dans les « Mémoires d’outre-tombe »[1]. La formule est éloquente, mais est-elle vraie ?
Sans conteste, l’homme vivant est préoccupé par la mort. Mais ce « gouvernement des morts », selon Auguste Comte[2] dans le « Catéchisme positiviste » peut ne pas être une fatalité.
Les racines de ma famille, dans la partie occidentale du pays vannetais, ont de facto contribué à l’intérêt que je porte depuis l’enfance aux « choses » de l’autre-monde. Elles ne m’ont cependant pas emprisonné dans le passé ou dans la nostalgie. Il y a beaucoup à apprendre en écoutant et en étudiant les morts, tandis que nier l’au-delà n’est pas s’en affranchir.
Aux récits familiaux notamment les « choses » vues et racontées par mon aïeule, ont succédé les lectures notamment « La légende de la Mort » d’Anatole Le Braz[3], puis les rencontres avec les vivants qui voient et passent les âmes des défunts, jusqu’au jour venu où il m’importait de partager ce voyage dans l’au-delà. Cette traversée dans la mémoire et le paysage n’est ni passéiste ni morbide, mais elle est sans fin car les hommes vivent avec les morts. Admettre cela, c’est, je crois, apprendre à se libérer de la peur et du passé, accepter l’éternité. « Les dieux sont des hommes immortels tandis que les hommes sont des dieux mortels » prétendait le philosophe grec Héraclite[4]. C’est cette part d’humanité des morts et cette part de divinité des hommes que cet ouvrage essaie d’aborder.
[1] François-René de Chateaubriand, « Mémoires d’outre-tombe », 1849-1850.
[2] Auguste Comte, « Catéchisme positiviste », 1852.
[3] Anatole Le Braz, « La légende de la Mort chez les Bretons armoricains » 1893 et 1902.
[4] Héraclite « Fragments » 62, X, 10,6, édition Hermann Diels, 1903, traduction Marcel Conche, PUF, 1986.
Voyage dans l’au-delà
Les Bretons et la Mort
Introduction
I L’annonce de la mort
Les annonces préliminaires
À la vie à la mort
La roue cosmique
La charrette de la Mort
La Mort
La danse macabre
Cauchemar et cheval de nuit
II La Mort
Le départ de l’âme
La veillée funèbre
Le cortège funéraire
De l’église à la tombe
Absence et substitution
La lanterne des morts
Le repos éternel
Le repas des funérailles
III Le culte des morts
Les tombes de mémoire
Les têtes coupées
La Toussaint
L’arbre des Morts
L’If d’immortalité
IV L’Au-delà
Le chemin des âmes
La barque de nuit
La baie des Trépassés
Les âmes des noyés
Les âmes des défunts
Les âmes récalcitrantes
Les âmes errantes et revenantes
Les lavandières de nuit
Les chiens de l’enfer
La chasse sauvage
Conclusion