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Chronique de Michel Cazenave

PARDONS ET PELERINAGES EN BRETAGNE.

 

Par Michel Cazenave.

 

 

Lorsqu’on lit soigneusement les pages de Bernard Rio, on s’aperçoit comme, ainsi que dans tous les pays à population majoritairement celtique d’origine, la Bretagne a conservé d’antiques mythologies « baptisées » pour les besoins de la cause. Se rappelle-t-on ainsi que, vers la fin de la Renaissance, le Vatican considérait toujours la France comme un « pays de mission » ( contrairement à ce que l’on croit d’habitude, il n’aura pas fallu attendre le début du XIX° siècle pour cela…), tant les paysans y avaient gardé de très anciennes coutumes ? Et, lors du procès de Jeanne d’Arc, on se dit que, de leur point de vue, ses interrogateurs n’avaient peut-être pas si tort de lui poser des questions sur ses jeunes habitudes, lorsque, avec les filles de son village, elle se rendait dans la forêt pour accrocher des guirlandes aux branches des arbres. (Je dis bien : « de leur point de vue », puisque, très honnêtement, une telle façon de faire ne me gêne en rien !).

 

Or, à parcourir le livre qui vient de paraître, on s’aperçoit comme les Bretons (en ont-ils eux-mêmes toujours conscience ?), sacrifient largement à de telles manières de se comporter lorsqu’ils participent à des pèlerinages ou à ce qu’ils dénomment des « pardons ».

 

Sait-on par exemple que sainte Anne d’Auray a pris la place de la vieille Déesse mère des Celtes ? Et que nous sommes ainsi plus ou moins renvoyés à ce qu’un spécialiste, voici déjà quelques années, appelait le « matriarcat psychologique » des Bretons ? L’Eglise catholique, elle, ne s’y était pas trompée, et, comme l’écrit Bernard Rio, « Le dernier pardon célébré par Mgr François-Mathurin Gourvès, évêque de Vannes, demeurait (…) le point d’orgue de l’année liturgique. La foule était toutefois moins nombreuse que le 26 juillet 1625 - le premier pardon qui fut célébré en l’absence de l’évêque de Vannes. Ce jour-là, les capucins d’Auray soutirèrent à Mgr Sébastien de Rosmadec la permission d’officier à Keranna, paroisse de Pluneret, là où un paysan, Yves Nicolazic (1591-1645), avait découvert la statue de sainte Anne. Un an plus tard, le recteur de Pluneret demeurait hostile à la découverte miraculeuse, tout comme l’évêque qui finit néanmoins par comprendre tout l’intérêt spirituel et matériel de canaliser l’engouement populaire et d’instruire ces masses si promptes à croire. Le 26 juillet 1626, il y eut 100 000 pèlerins dans les champs…Sainte-Anne-d’Auray devint alors le plus illustre des pardons de Bretagne ! »

 

Se souvient-on, dans les textes gaéliques, comme saint Patrick, l’évangélisateur de l’Irlande, fit nombre de concessions aux croyances qui l’avaient précédé ? Et, si l’on considère un poème comme La vieille femme de Beare, d’abord dédié à l’un des visages de la Déesse éponyme des cinq royaumes insulaires, comme il a été facile de le convertir en une longue réflexion chrétienne… du moment que celle qui était censée l’avoir composé, était devenue une vieille pénitente que les atteintes du monde ne touchaient plus !

 

D’ailleurs, lorsqu’il parle des « baignades et cavalcades solsticiales » (ne sommes-nous pas ici en pleine mythologie ?), l’auteur ne peut cacher que « Cette tradition perdue (celle de l’île saint-Gildas), me procura un fil conducteur symbolique (qui permettait de relier différents pardons dont il vient de faire la relation). L’offrande du pain s’avérait le point commun entre les chiens et les chevaux. Ces animaux chtoniens fréquentaient les mondes d’en haut et d’en bas, allaient et venaient de la saison noire à la saison blanche. Le pardon des chiens en hiver à la chapelle Saint-Gildas à Laniscat, le pardon des chevaux en été à Penvénan (sur l’île…). La fontaine servait de porte spatio-temporelle pour ces messagers de l’Autre Monde. Le rite de fécondité se doublait d’un rite de protection. »

 

Et, quand il évoque dans un chapitre les « saints faiseurs de pluie », il lui est impossible de ne pas terminer par quelques paragraphes intitulés « Religion et magie » - de la même façon qu’il met fin à son étude par des considérations « générales » qui débutent par ces lignes : « L’éternité et l’universalité du pardon sont dans la pensée mythique qui transcende son histoire. A Plouvenez-Moëdec, sainte Yuna proclame l’avènement de l’aurore dont elle est l’image signifiée et signifiante. Le pardon révèle à chaque échéance annuelle ce rapport sacré entre la terre et le ciel, subordonné à la responsabilité individuelle et collective, humaine et divine…). »

 

Où l’on retrouve certaines des plus vieilles pensées (mais ce n’est pas moi qui viendrai m’en plaindre !), sur le caractère cyclique du temps, sur la coopération nécessaire des hommes avec le Divin et sur la liaison intrinsèque de ce dernier avec la lumière qui s’en vient éclairer le monde…

 

Donc, un livre à lire au plus vite, en se gorgeant de toutes les références idoines!

 

 

Bernard Rio : Sur les chemins des pardons et pèlerinages en Bretagne, Ed. Le Passeur, 360p.,21€.

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