Chronique La Croix
Découvrir la foi par la Bretagne, et vice versa
Claire Lesegretain, le 23/05/2019
La Croix met en avant des auteurs, des artistes, dont les œuvres conjuguent le plaisir esthétique et la recherche de sens.
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- La pierre et le vent, de Philippe Le Guillou, Tallandier, 205 p., 17,90 €
- Sur les chemins des pardons et pèlerinages de Bretagne, de Bernard Rio, Ouest-France, 320 p., 19,90 € i
C’est au Faou, au fond de la rade de Brest, que le romancier et essayiste Philippe Le Guillou a été baptisé, il y a bientôt soixante ans. La petite église de son baptême « bâtie au péril de la mer » concentre toutes les qualités qui sont, selon lui, celles du christianisme: « l’enracinement, l’ancrage, la force, la solidité et la tentation de l’ailleurs ».
Dans ces solides chapelles bretonnes battues par les vents, l’auteur, dès son jeune âge, a perçu que la foi chrétienne est avant tout affaire « de tradition et d’histoire, de legs et de promesse, de redite et de transmission ». Il aime spécialement les sanctuaires de Rumengol – où la Vierge incarne « l’absolu mystère de la pureté et de la perfection oblative » – et de Sainte- Anne-la-Palud – tout proche de l’Océan. Le génie de son christianisme, c’est d’être avant tout « celtique et finistérien ».
De ce christianisme, vécu dans l’enfance « par imprégnation, par tradition, par mimétisme », il s’est pourtant éloigné. Et ce n’est qu’à l’âge adulte qu’il a « retrouvé » la foi, prenant plaisir aujourd’hui à se rendre aux offices dominicaux à Saint- Eustache, en plein cœur de Paris, ou dans les fastueuses églises baroques de Rome.
Fasciné par les papes
Car Philippe Le Guillou nourrit de longue date une fascination pour les papes, notamment pour Paul VI « cet homme diaphane, timide immatériel » dont il aimait feuilleter les images de sacre dans le grenier de ses grands-parents. Ainsi tiraillé « entre la centralité romaine et la spiritualité celtique, plus pauvre, plus élémentaire », l’auteur évoque aussi avec délicatesse ses dialogues avec Mgr Jacques Jullien, archevêque de Rennes de 1985 à 1998, alors qu’il préparait un roman pontifical: « je voulais qu’il me parle de Rome, des conclaves et de l’élection de papes; il me parlait des prophètes Isaïe et Daniel, de l’expression’fils de l’Homme’, de Beauchamp et de Valadier »...
Avec la même passion pour la Bretagne, mais selon une approche plus objective, Bernard Rio s’est lancé dans une enquête exhaustive des pardons et pèlerinages bretons. Pour démentir les propos nostalgiques d’Anatole Le Braz dans son fameux « Au pays des pardons » (1894) – qui ont durablement condamné ceux-ci au folklore –, Bernard Rio veut montrer la vigueur et le regain d’intérêt des principaux lieux de pèlerinage de Haute et Basse Bretagne.
Commençant par le pardon d’Hennebont, le dernier dimanche de septembre 2006, l’auteur s’attache à raconter d’une plume agréable les miracles et traditions qui sont attachés à chacune de ces cathédrales, églises, chapelles ou fontaines de pardon. Bernard Rio met également en perspective tous ces cultes de saints remontant à la christianisation des campagnes par des moines irlandais aux Ve, VIe et VIIe siècles.
Les pardons et le culte marial
« Le pardon est l’une des clés pour la compréhension de la Bretagne », souligne-t-il en évoquant successivement les pardons de saint Yves (à Tréguier), de sainte Anne (à Sainte-Anne-d’Auray), de saint Tugdual (à Guiscriff), de saint Hervé (à Lanhouarneau), des deux saints frères Envel et de leur sœur sainte Yuna (à Belle-Isle-en-Terre) de saint Mathurin (à Moncontour), de saint Cornély (à Buléon), de saint Colomban (à Carnac), mais aussi les troménies de Locronan ou de Landeleau et le Tro Breiz.
Sans oublier, bien évidemment, le culte marial dans les innombrables lieux bretons dédiés à Notre-Dame... Dans une société laïque, matérialiste et individualiste, la permanence des pardons montre que les Bretons n’ont pas fait abstraction du spirituel ni du collectif.
À lire aussi, paru en 2016, du même auteur Bernard Rio, Le livre des Saints bretons (Ouest-France, 428 p., illustrées, 32 €)
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