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Mystères de Bretagne

Présentation

Bernard Rio est un arpenteur de la Bretagne. Au fil des balades, il raconte ses lieux mystérieux et insolites, ouvre la porte d’un monde surnaturel, peuplé de revenants et de diables, de dames blanches et de sirènes, de korrigans et de fées, d chevaliers errants et de moines maudits, un monde de cités englouties, de châteaux hantés et de forêts enchantées... La mort et l’amour se côtoient et se mêlent dans des légendes dont la Bretagne conserve les traces dans son histoire, son paysage et son architecture. On y croise l’Ankou qui erre à la recherche d ses victimes; on se désaltère à des fontaines habitées de sirènes; on se penche sur le gouffre d’Ahès, sépulcre des amants de la belle Dahut; à la nuit tombée on peut apercevoir des revenants qui s’aiment hanter les ruines du château de Rustefan; c’est à l’aube que l’on surprend les dames blanches qui veillent sur les marais; en parcourant les sous-bois des îles enchantés on entend encore le murmure des amoureux; en franchissant le pont du diable on est à peu près sûr qu’il a été construit au bénéfice d’un saint, et en arrivant à la pointe du Raz il n’est pas rare de rencontrer les âmes errantes attendant l passeur du bag-noz pour embarquer vers l’autre monde...

Autant de lieux, autant de légendes et de promenades à découvrir . Intro

 

Editions Le Télégramme 2009  ISBN : 978-2-84833-218-5


 

Danse avec l’Ankou 

 

Le diable a mauvaise réputation mais bon goût, et je me réjouis à l’idée de mettre mes pas dans les siens en Bretagne, car jamais je n’ai été déçu du spectacle que la nature m’offrait aux Roches du Diable entre Locunolé et Guilligomac’h, assis sur sa chaise à Sulniac, traversant ses ponts à Barbechat, Batz-sur-Mer, Belz, Plouguerneau… Pour être juste, je dois associer l’Ankou, le coursier de la mort, et les sirènes ensorceleuses à cet hommage. Et pour être tout à fait honnête, à la suite du diable, de l’Ankou et des femmes serpentines, l’éloge concerne aussi la cohorte des saints ermites qui, fuyant la compagnie des hommes, préféraient discourir avec les animaux dans des lieux d’une sauvage beauté. La baie des Trépassés, le Yeun Ellez, le mortier de Glénac, les landes de Cojeoux, les alignements du Ménec, la hêtraie granitique du Huelgoat, la chênaie schisteuse de Gâvre, les ruines de Rustefan, les folies de Maximilien Siffait, les îles enchantées du duc de Retz, etc. Partout où le diable a livré combat, où l’Ankou a roulé à tombeau ouvert, où les sirènes ont charmé, où les saints ont cherché la sérénité, là est la beauté du monde et voilà qui change de l’ordinaire urbain.

Arpenter les landes et les bois aux extrémités du jour, marcher sur les plages en hiver, patauger dans les marais qui débordent, c’est ma manière de pénétrer psychiquement les lieux dont j’aime le caractère abrupt. Celui qui ne fréquente que les chemins battus et les voies goudronnées au milieu de l’été ne me suivra pas en si mauvaise posture. Qu’il gagne son paradis artificiel et qu’il m’ignore, car je me satisfais des pierres qui roulent dans le chemin taluté de Malvran, des ronces et des orties qui défendent l’accès aux murs de Rustefan, des pluies et des vents qui blanchissent les côtes aux équinoxes. Je concède aisément à mon concitoyen affairé l’exclusivité du prochain téléphone « haute technologie » qui grille les neurones pour lui tourner le dos et tirer ma révérence, sans puce électronique, en mode manuel et aléatoire.

Mon propos n’est pas de convaincre ou de convertir à la nécessité de s’éloigner des foules consommatrices, mais de jouir du monde et de se réjouir d’être. Mon choix des balades est subjectif, absolument imparfait, et sans relation entre la cause touristique et le fait légendaire. La forêt de Paimpont a d’ailleurs bien failli souffrir de ma vindicte tant la pacotille médiévale, qui s’y joue chaque été, dénature la réalité de la haute forêt. Mais, pourquoi aurais-je dû abandonner Brocéliande aux marchands du temple ? Je pense qu’il y a encore la matière et la manière pour l’innocent Galaad de se perdre entre l’étang des Forges et le jardin aux Moines. à lire Robert Wace (1090-1180) le racolage féerique ne date pas d’hier autour de l’abbaye de Paimpont :

« Tant ont les conteurs conté

Et les fableurs tant fablé

Pour embellir leurs contes

Qu’ils ont donné à tout

Les apparences de la fable ».

La fable de Brocéliande puise, à l’unisson du légendaire breton, à plusieurs sources : chrétiennes et médiévales, celtiques et antiques, préceltiques. Et en filigrane des lieux qui m’attirent, il y a l’histoire que je raccommode et que je raccorde à la mythologie. C’est l’histoire des origines, qui n’est pas ici issue de la Bible. C’est l’histoire des mythes occidentaux qui ont façonné l’imaginaire des hommes jusqu’à ce jour. Je partage avec Joseph Roth et Claudio Magris l’idée que les bistrots et les chapelles sont «les endroits d’abandon et de refuge qui nous aident à affronter l’existence et où l’on croise le caractère sacré du monde».   Les chapelles où l’homme se recueille et assemble les pièces de son puzzle métaphysique, le bistrot où il raconte et se raconte. Ces lieux ont relié le profane au sacré et l’homme à l’humanité.

Il y a, en Bretagne, une tradition qui a empêché le clergé séculier de dormir pendant des lustres. Il y a une croyance qui s’est transmise et a survécu cahin-caha. Que signifie l’irruption des êtres de l’Autre Monde dans le monde des hommes sinon un partage de l’espace et la relativité du temps. Cette croyance aux fées, aux âmes errantes, aux revenants, aux korrigans a triomphé d’un christianisme culpabilisateur et se heurte désormais à une société laïque et dépressive. C’est avec incrédulité que le public du vingt et unième siècle peut aborder la légende. L’histoire est à dormir debout après qu’elle ait causé l’insomnie des braves recteurs d’autrefois. Le programme scolaire apprend en effet à raisonner et à ne plus rêver tandis que le programme télévisuel occupe le temps sans rien apprendre. Le remembrement des esprits est-il plus irréversible que l’arasement des talus ?

En allant sur les lieux légendaires, en lisant les conteurs d’hier, je dois admettre que l’Autre Monde existe. Il est toujours présent, là où Elvire de Cerny, Emile Souvestre, Anatole Le Braz, Paul Sébillot, François Cadic ont vu et vécu, là où ils ont entendu et raconté des histoires à ne pas dormir du tout. Lorsqu’en 1912, Zacharie Le Rouzic rapporta l’incendie de la maison Le Bail à Plouharnel, il n’y avait aucune raison de ne pas le croire car chacun connaissait et avait pu vérifier les faits :

« En 1909, la veuve Roussel de Kerivilenne, âgée alors de 82 ans, racontait que quelques années plus tôt en venant d’Erdeven dans une charrette avec son mari, elle avait vu, en arrivant en face de Rondossec, des flammes s’élever au-dessus de la maison Le Bail de Plouharnel. En un moment toute la maison flambait. Elle avait dit à son mari :

- Presse donc ton cheval pour que nous allions aider à éteindre le feu.

- Quel feu ? lui répondait-il.

- Tu ne vois donc pas devant nous la maison qui brûle ?

Elle lui a touché le bras, et instantanément il avait vu aussi l’incendie.

En arrivant au bourg, ils ne comprenaient plus rien, il n’y avait pas la moindre trace d’incendie. Huit jours après exactement à la même heure le feu, le vrai, cette fois, avait consumé cette même maison ». Un événement semblable eut également lieu à Bohal en 1 884. La vision collective d’un incendie, sa transcription en 1906 puis sa réalisation en 1944 illustrent non un mystère mais une manière de voir, qui trouble aujourd’hui ceux qui ne voient et qui ne croient en rien. « Les habitants de Bohal virent, vers 1884, l’incendie d’un château en direction de Saint-Marcel. Nous voyions les flammes sortir par de grandes fenêtres. Six ou sept ans après, on apprit qu’un M. Philippe, de Nantes, faisait faire des fouilles pour y bâtir un château. Celui-ci s’est bâti et est bâti à l’endroit où nous avions vu l’incendie. Que signifie tout cela ? La suite des temps le dira peut-être ? » écrivait en 1906 l’abbé Gaspais, recteur de Bohal dans « La signifiance du château de M. Philippe ». Or c’est devant les Hardys-Béhelec, le château de M. Philippe, que commença la bataille du maquis de Saint-Marcel le 18 juin 1944… Le lendemain, soixante ans après la vision des habitants de Bohal, le château partait en fumée.

Des histoires comme celles-là, il y en a plein le tiroir d’une armoire que personne n’ouvre plus, l’armoire à corniche remisée dans le garage car trop grande, trop haute, trop vieille, trop paysanne, trop majestueuse pour l’intérieur formaté des apprentis-robots câblés sur les chaînes satellites, gobant les fictions hollywoodiennes, ignorant l’endroit où ils sont et l’envers où ils n’iront pas.

Mes balades à travers la Bretagne, au fil des jours et des pages, ressemblent à une longue digression historique. Chacune peut être l’occasion d’une réconciliation avec l’âme de ce pays si mal connu, si mal compris, si galvaudé par les marchands de faux souvenirs. 

Ceux, qui marchent dans les vieux chemins de légende en levant la tête, retrouvent une allure commune aux pauvres et aux riches, aux gens des campagnes d’hier et d’aujourd’hui. Ceux, qui marchent en rêvant, trouvent la liberté en chemin. Ceux, qui rêvent en marchant, éprouvent le sentiment d’appartenir à un monde immuable. Ils avancent et ils s’accordent à une nature qui broie toute œuvre humaine. Pierres disjointes par les racines, mangées par les lierres et les fougères, enrobées de lichen et de mousse, que reste-il des forteresses de l’orgueil ? Démantelées, saccagées, abandonnées, oubliées, les ruines ne prétendent pas à l’éternité. Les esprits, qui hantent ces maisons ventées, attendent en vain comme l’Ankou qui rôde du côté de Saint-Servais, cherchant l’âme de celui qu’il n’a pas réussi à trouver depuis un méchant soir, dans les années soixante. Le docteur Edmond Rébillé, qui exerça dans le pays, a romancé la savoureuse mésaventure du conducteur : « Une nuit la Mort commande à l’Ankou d’aller cueillir une âme à Botilio, celle d’un grand, d’un très grand malade. Vous comprenez que si le malade n’avait été qu’un tout petit peu malade, ou même pas du tout, il serait pas mort. Voila l’Ankou qui part en deux-chevaux avec l’adresse sur un bout de papier. Seulement en ce temps-là il n’y avait presque pas de pancartes de signalisation dans la commune. Et puis il y avait aussi des galopins qui s’amusaient à les déplanter et à les replacer au hasard. ça, c’est des choses qu’on voit plus, de nos jours… Vous imaginez ça ? Toujours est-il que l’Ankou se perdit par les chemins boueux. Or il existe 93 écarts et lieux-dits à Botilio. L’Ankou tambourinait à toutes les portes pour obtenir le renseignement. Personne n’ouvrait ni ne répondait. Il tourna toute la nuit dans la commune, espérant découvrir par hasard la maison du mourant avec ses chandelles, ses voisins assemblés, ses enfants de choeur et son curé. Il ne la trouva jamais. On raconte que depuis cette nuit-là, l’Ankou circule sans fin sur les chemins de l’Argoat et de Botilio en particulier. Méfiez-vous si vous apercevez une vieille deux-chevaux qui hoquète, qui caquète, qui cliquète, qui enquête. Elle rackette. De temps en temps, le chauffeur simule une panne d’essence. Personne ne vient à son secours parce qu’il a une sale tête, une tête en os. C’est une sale maladie, la tête en os. Celui qui s’arrêterait pour rendre service à l’Ankou serait illico-presto capturé et emmené dans l’autre monde par des chemins qu’il n’est pas nécessaire de signaler, parce qu’on n’en revient jamais ».

L’Ankou qui se perd dans le bocage, voilà qui était extraordinaire et qui serait désormais improbable avec «l’indispensable GPS» qui ordonne les conduites et interdit les déviances. Est-ce un hasard ou une coïncidence si c’est à Saint-Servais que l’Ankou a tourné en rond ? Car l’auteur de La Légende de la Mort, Anatole Le Braz y a vu le jour en 1 859, un siècle avant que le héros du livre faillisse à son aura. C’est aussi dans les parages que le diable mourut de froid. Le décès du plus célèbre SDF du monde eut lieu à la porte de la chapelle de Burthulet. Il faisait si froid que les ajoncs avaient gelé. Le diable avait joué de malchance. « Tant qu’il y aura des fleurs à fleurir, le diable ne sera pas le maître du monde », dit-on en Bretagne. Et c’est pour ne pas laisser un jour sans fleurs que l’ajonc enlumine l’hiver breton.

À Burthulet, la légende est plus forte que la réalité. Mais le diable ne meurt jamais pour de bon et l’homme non plus. La mort, dit-on encore, est le milieu d’une vie. Mourir pour connaître la suite ! La danse macabre qui décore les chapelles de Plouha et de Kernascléden rappelle que personne, (princes et manants, sacristains et sacripants), n’échappe à la ronde. Mais, en ce pays qui préfère les exceptions à la règle générale, les jeux ne sont jamais faits d’avance. Ni le diable ni l’Ankou, ni dieu ni personne ne doivent jurer de rien. L’enfer est froid et, ainsi qu’il a été vu en 1 884 à Bohal, le passé comme le futur interfèrent avec le présent. Les esprits désenchantés prétendent que les temps ont changé. Erreur de jugement et prétention sans conséquence que cela. Ce n’est pas le temps qui passe mais les hommes. 

La Bretagne n’est pas le pays de nulle part mais le pays du possible. Nul besoin de fermer les yeux pour aller voir ailleurs. L’Autre Monde est ici ou là, et ce n’est pas un mal.


Articles de presse

 

« Non content d’arpenter par tous les temps les landes, bois et plages de Bretagne, Bernard Rio la raconte et la photographie avec davantage que du talent : une exigeante passion. Le résultat ? Un séduisant album sur les légendes de Bretagne, le meilleur vade-mecum  pour le randonneur comme pour le rêveur en chambre. Bien sûr , avec Bernard Rio, nous quittons les chemins goudronnés pour nous enfoncer dans les taillis pleins d’orties et de ronces, nous crapahutons pour nous libérer. Dames blanches ou Morganes des lacs, des rivières et de l’océan, chapelles templières et fontaines guérisseuses, châteaux en ruines et cités englouties, arbres sacrés et tombes de chouans, Bernard Rio nous initie pas à pas à une Bretagne qui, malgré l’arasement des haies et le remembrement des esprits, conserve dans son paysage comme dans son architecture les traces de notre monde ». 

Christopher Gerard

Christopher Gerard - La NOuvelle evue d'Histoire  - Septembre 2009

 

« Chapelles, arbres, menhirs, landes... Aucun lieu, aucun monument ne semblent inconnus à Bernard Rio, dans cette Bretagne intérieure qui recèle tant de signes et de traces de l’Autre Monde.

C’est cette exploration un peu vagabonde qu’il nous fait partager, au fil des légendes, des croyances et des rites qui ont marqué notre région de leur empreinte. Pour autant, l’auteur ne donne pas dans le folklore : le chapitre assez sévère qu’il consacre à Brocéliande en est la preuve ! Un livre utile pour voyager à notre tour grâce aux pistes de visites et de lectures proposées à la fin de chaque chapitre...»


Yves Loisel - Le Télégramme - Mai 2009

 

 

« L'envers de la carte postale 

Bernard Rio connaît mieux la Bretagne que quiconque ll y a consacré de nombreux ouvrages. Le dernier en date étant Mystères de Bretagne, balade au pays des légendes Bernard Rio y proposeune autre image de la région, loin des clichés de bigoudènes et de paysages grandioses battus par les vents. Il va à la rencontre des mythes populaires et du petit patrimoine perdu dans la campagne chapelles, fontaines, ruines de châteaux, forêts profondes, calvaires...

Le premier chapitre est consacré à l'Ankou, le coursier de la mort. Bernard Rio exhume de vieilles histoires savoureuses sur ce personnage mythique, comme celle contee par le docteur Rébillé- l'Ankou erre en 2CV dans le village de Botilio à la recherche d'un vieil homme. Pour poursuivre sur ce thème, l'auteur invite à se promener dans des lieux symboliques comme la baie des Trépassés, le Yeun Ellez, la hêtraie granitique de Huelgoat .. Bernard Rio va aussi à la rencontre des lavandières, des korrigans, de Dahut, des dames blanches, des âmes errantes...». 

Le Progrès de Cornouaille - Juin 2009

 

« Rendez-vous avec l’étrange...

Regardez, écoutez, laissez vous étonner, le mystère breton est au détour des chemins creux, niché dans une chapelle, un chaos rocheux, un vieux manoir Cet album érudit de Bernard Rio propose une relecture de notre paysage, à la rencontre de l'étrange et (parfois) de l'inexplicable...»

Bretagne Magazine - Juillet 2009



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