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Bernard Rio - Page 14

  • Reportages

    Pour en savoir et voir plus sur "Le Guide du tro Breiz" , quelques liens parmi d'autres:
     
    http://bretagne.france3.fr/2014/05/05/tro-breiz-un-guide-pour-feter-ses-20-ans-471401.html
     
    Pour en savoir et voir plus sur "Le cul bénit : amour sacré et passions profanes " , préface de Michel Maffesoli, éditions Coop Breizh, quelques liens parmi d'autres:
    Les bonnes feuilles de Christopher Gérard :
    http://archaion.hautetfort.com/archive/2014/03/17/bernard-rio-explorateur-de-l-imaginaire-breton-5324967.html

    Le cul bénit dans http://trans-europa-medias-press.com/trans-europa-medias-beau-livre-le-cul-benit-liaisons-sacrees-et-passions-profanes/
    L'émission sur France 3 Bretagne Iroise le 15 avril : http://bretagne.france3.fr/emissions/jt-local-1920-iroise

    Le cul bénit dans l'émission de Tébésud diffusée le jeudi 27 février à 18 h 10

    http://www.tebesud.fr/?titre=la-complete-culture-et-loisirs&mode=numEmission&crit1=300&id=57950#.UxBPjmQrbHs.facebook

    l'émission de Laurent Ruquier sur Europe1 le 15 janvier

     

    L'article d'Hervé Queillé dans Le Télégramme du 19 février 2014

    http://www.letelegramme.fr/bretagne/patrimoine-le-sexe-et-les-chapelles-bretonnes-19-02-2014-10041955.php?fb_action_ids=680723951970609&fb_action_types=og.recommends&fb_source=aggregation&fb_aggregation_id=288381481237582

     

    La chronique d'Anne Bert du Salon Littéraire :  http://salon-litteraire.com/fr/beaux-livres/review/1859542-le-cul-benit

     

    L'article d'Agence Bretagne Pressehttp://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=32140

     

    L'émission de Ronan Manuel sur Radio Armorique samedi 18 janvier.http://www.francebleu.fr/culture/du-monde-au-balcon-livre/du-monde-au-balcon-l-actu-litteraire-7

     

    L'émission de Clément Soubigou, sur Radio Bleu Breizh Izelhttp://www.francebleu.fr/patrimoine/cultures-breizh/cultures-breizh-220#

     

    L'émission d'Olivier Le Clainche sur RBGhttp://www.radiobreizh.net/fr/episode.php?epid=9277

     

    Les bonnes feuilles de Christopher Gerard :

    http://archaion.hautetfort.com/archive/2014/03/17/bernard-rio-explorateur-de-l-imaginaire-breton-5324967.html

    La chronique d'Alix Bayart :

    http://www.unidivers.fr/cul-benit-amour-sacre-profane-bretagne-bernard-rio/
     
    Pour en savoir plus "Voyage dans l'au delà : les Bretons et la mort", préface Claude Lecouteux, éditions Ouest-France,  quelques liens parmi d'autres :
     
    L'émission thé ou café sur France2 
    Emission - THE OU CAFE - France 2
    the-ou-cafe.france2.fr
    THE OU CAFE
    Les bonnes feuilles de Christopher Gerard : http://archaion.hautetfort.com/archive/2014/03/17/bernard-rio-explorateur-de-l-imaginaire-breton-5324967.html
    La chronique de Michel Cazenave dans le Monde des religions
    www.lemondedesreligions.fr
    La chronique de Patrick Poivre d'Arvor dans Plume Magazin
    Plume N°67
    La chronique dans Histoire pour tous : http://www.histoire-pour-tous.fr/livres/182-beaux-livres/4737-voyage-dans-lau-dela-les-bretons-et-la-mort.html
    Les bonnes feuilles de Christopher Gerard :
    http://archaion.hautetfort.com/archive/2014/03/17/bernard-rio-explorateur-de-l-imaginaire-breton-5324967.html
     
     
     
    A propos de "Voyage dans l'au-delà : les Bretons et la mort"
    Le reportage et l'entretien en ligne sur France 3 Bretagne
    L’enfer breton est froid comme les landes - France 3 Bretagne
    bretagne.france3.fr
    Les bretons ont toujours entretenu une relation singulière avec la mort. Le livre "Voyage dans l’au-delà/Les Bretons et la mort" décortique les rites funéraires tels qu’ils étaient pratiqués jusqu’au 19ème siècle.

    Réécouter l'émission de Ronan Manuel avec Bernard Rio sur Radio Armorique samedi 18 janvier 2014...http://www.francebleu.fr/culture/du-monde-au-balcon-livre/du-monde-au-balcon-l-actu-litteraire-7

    Réécouter l'émission de Clément Soubihou sur Radio Bleu Breizh Izel sur "le cul bénit"
    France Bleu | Cultures Breizh
    www.francebleu.fr
    "Voyage dans l'au delà : les Bretons et la Mort" sur Radio Alpha le 10 octobre
    Diocèse de Rennes
    rennes.catholique.fr
    Site officiel de l'Eglise catholique en Ille-et-Vilaine, Rennes, official website of Ille-et-Vilaine's catholique church
    Ecouter ou réécouter l'émission enregistrée sur Radio bro gwened
    - Emission Megaphone : Les bretons et la mort
    www.radiobreizh.net
    Bernard Rio, auteur du livre « Voyage dans l'au-delà », nous parle des croyances et des rites liés à la mort en Bretagne. Intersignes, mel beniget, ankou, lavandières de la nuit, danse macabre, âmes errantes et revenantes...tant d'ima
     
    Entretien sur Baglis TV
    Rites et croyances mythologiques en Bretagne | Mythes Légendes Ame
    www.baglis.tv
    Bernard Rio est un chercheur, un commentateur, passionnant des liens qui unissent la Nature et le Patrimoine de Bretagne. Omniprésents, ces liens tant oraux qu’écrits, architecturaux ou immatériels surgissent à chaque coin de bois, sur chaque pla
    Le reportage sur tebesud consacré à "Voyage dans l'au-delà : les Bretons et la mort".
    TébéSud - vendredi 25 octobre 2013 - 18h00
    www.tebesud.fr
  • Guide du Tro Breiz

    Guide du Tro Breiz, Bernard Rio, Coop Breizh, mai 2014

    BD1597-COUVERTURE OK.pdf

     

    Le pélerinage aux sept saints de Bretagne, communément appelé le Tro-Breiz, remonte au moyen âge. Il relie les sept villes épiscopales de la Bretagne médiévale où sont honorés les saints fondateurs : Paul-Aurélien à Saint-Pol-de-Léon, Tugdual à Tréguier, Brieuc à Saint-Brieuc, Malo à Saint-Malo, Samson à Dol-de-Bretagne, Patern à Vannes, Corentin à Quimper. Depuis vingt ans, l’Association des Chemins du Tro-Breiz organise chaque été une marche annuelle suivie par plusieurs milliers de personnes. Désormais, ce guide permet à chacun de “faire son Tro-Breiz” seul, avec des amis ou en famille, et tout au long de l’année. Le guide du Tro-Breiz comprend 47 étapes.

    Chaque itinéraire est assorti d’une cartographie détaillée, d’un guide pratique et de notices culturelles pour découvrir le patrimoine qui jalonne le parcours. C’est le guide indispensable pour randonner sur les chemins de la Bretagne... pour partir à l’aventure dans le paysage et l’histoire.

  • Contrepoints

    Voyage dans l’au-delà

    Publié le 1 novembre 2013 dans HistoireLecture

    Bernard Rio, spécialiste des cultures indo-européennes, nous entraîne à travers les siècles et les millénaires pour explorer les rites chrétiens de la mort.

    Par René Le Honzec.

    Voyage-au-delaDes milliers de Français vont encore une fois, rituellement, envahir les autoroutes à péages et les voies à écotaxe différée à l’occasion des fêtes de la Toussaint (1ernovembre) et de la fête des Morts (2 novembre). Beaucoup en profiteront (mais de moins en moins) pour aller se recueillir sur les tombes de parents décorées de chrysanthèmes en promo dans les grandes surfaces. Peu sauront pourquoi, déchristianisation oblige et laïcité contraint. Fixée en 835 par le Pape Grégoire IV au 1ernovembre, la fête des Morts catholique chevauche les trois nuits de Samain, fête celtique par laquelle, pendant quelques jours, les hommes ont accès à l’Autre Monde.

    C’est tout le talent de Bernard Rio, journaliste, écrivain, spécialiste des cultures indo-européennes que de survoler siècles et millénaires pour décrypter les rites chrétiens d’aujourd’hui, plus ou moins catholiques, à la lueur de la tradition. « Les Morts instruisent les Vivants » écrivit Chateaubriand. « Il y a beaucoup à apprendre en écoutant et en étudiant les morts, tandis que nier l’Au-delà n’est pas s’en affranchir » poursuit l’auteur, qui «  s’élance sur les traces d’Anatole Le Braz auquel on doit La légende de la Mort chez les Bretons Armoricains, mais en faisant œuvre d’ethnologue et d’anthropologue, car il embrasse un très large panorama » précise Claude Lecouteux, professeur émérite à la Sorbonne dans son élogieuse préface.

    Pour autant, si ce livre est savant par sa teneur, il est passionnant en sa lecture, épicée de multiples exemples et anecdotes qui illustrent  tous les stades de la mort, depuis son annonce, ou plutôt ses annonces, jusqu’au retour des Âmes errantes. Les intersignes, avertissements, messages que l’Autre Monde adresse aux vivants qui étaient autrefois familiers et aisés à décrypter sont aujourd’hui inaudibles à une société qui achète Halloween à domicile et fait mourir ses vieux ailleurs. Pourtant, en 2004, le répondeur de Lisa M., à Lorient, enregistre le message de vœux d’anniversaire de sa sœur, décédée un an auparavant. Homme de terrain autant que de livre Bernard Rio a recueilli toutes sortes de confidences, visité et photographié les lieux de mémoire, depuis les chapelles jusqu’aux tombes de dévotion, comme la « tombe à la Fille » qui fait l’objet d’un culte suivi depuis la révolution ou « le chêne à la Vierge » serti de dizaines de statuettes votives. Il remonte jusqu’aux pieds sculptés du Petit-Mont en Arzon (56), 5000 ans avt J.-C., pour expliquer le culte de Saint Mélar et les amputations rituelles. « Le rituel funèbre observé depuis plusieurs siècles sur les tombes doit être réinterprété pour retrouver toute sa superbe symbolique. Il possède plus qu’une valeur historique. Il ouvre une voie spirituelle. » Ainsi le personnage de l’Hankou, valet de la Mort, est-il relié au dieu gaulois Ogmios, et le culte des Têtes, retrouvé dans les Mabinogion gallois, fait écho aux témoignages des historiens de l’Antiquité Posidanios d’Apamée et Polybe sur les Celtes.

    Ainsi le livre est-il aussi  fortement et rigoureusement structuré à l’image du squelette de la Mort dans les danses macabres moyenâgeuses des chapelles bretonnes : l’annonce de la Mort, la Mort, le culte des Morts, l’Au-delà.

    Mais il est aussi charnu de ses multiples chapitres et histoires qui laissent un goût de vivant : le chien de l’Enfer, la roue du temps, l’arbre des morts, la barque de nuit, les aboyeuses de Josselin, les lavandières de la nuit, la lanterne des morts, l’auto-stoppeuse fantôme, les Âmes des noyés, les Passeurs d’Âme, la charrette grinçante de l’Ankou… Le « meil béniget », le « Marteau bénit », utilisé pour hâter le trépas de l’agonisant souffrant était posé sur le sommet du crâne, au point correspondant à la grande fontanelle et le 7ème chakra, pour ouvrir symboliquement la boîte crânienne afin de délivrer l’Âme. Souvent relatées comme des légendes et superstitions, ces faits ou phénomènes vous frôlent encore aujourd’hui, à vous de ressentir le frisson de l’intersigne, comme le concierge du lycée de Pontivy qui côtoie le fantôme du moine défroqué du XVIIème siècle.

    L’auteur est aussi photographe de talent et l’ouvrage fourmille d’images belles et fascinantes. Qui illustrent superbement les propos parfois étonnants : ainsi, ces Âmes en attente qui apparaissent sous formes « d’orbes » grâce au numérique. Et si vous peinez à croire que nombre d’églises et de chapelles furent construites sur des critères telluriques, penchez-vous sur les photos p.110, les « pierres des morts ». Endroit spécifique de l’édifice pour faciliter le départ de l’Âme du défunt. J’ai personnellement, en ma paroisse, détecté le réseau tellurique et constaté son utilisation pour ordonner la chapelle de Locmaria sur ses axes principaux. Oui, la « Pierre des morts », dallage particulier, matérialisait le vortex reliant par un tourbillon d’énergie les niveaux telluriques et célestes. Le défunt placé à cet endroit, le prêtre officiant à partir du vortex placé au pied de l’autel (en réalité, l’inverse : l’autel est placé devant le vortex), pouvait utiliser ce puits d’énergie comme un courant ascensionnel pour expédier l’Âme du Mort de bas en haut, au-delà du ciel, dans le cosmos.

    L’Église a oublié tout cela et renié beaucoup de ces rituels ; elle ne sait plus construire des lieux où souffle l’esprit.

    La mort n’est pas une légende. Le fantôme n’est pas un fantôme. La hantise demeure. L’Âme veille et anime l’homme intérieur tandis que le spectacle agite le monde. Au XXIème siècle, le passage de l’Au-delà reste ouvert, dans un sens comme dans l’autre. Bernard Rio n’hésite pas à convoquer au tribunal des Âmes Descartes, Saint Augustin, Einstein, Newton, Kant, le Pseudo-Denis l’Aéropagyte, Mircea Eliade, Chateaubriand, Flaubert, Arnold Van Gennep ou Ogmios. Je vous convoque aussi, amis libéraux-libertaire de l’ancienne Gaule Celtique devenue France devant cet ouvrage pour y trouver des réponses au spirituel, nous qui nous en posons tant au temporel économique sans pouvoir toujours y répondre…

    — Bernard Rio, Voyage dans l’Au-delà, Les Bretons et la mort, Éditions Ouest-France, septembre 2013, 287 pages.

  • Le Monde des Religions bis

    Les lectures de Michel Cazenave

    Un amour cosmogonique. 

    Du sexe, nous avons souvent fait, dans notre culture, un objet de « gauloiseries » (mais n’était-ce pas méconnaître ce que nos très lointains ancêtres entendaient de ce pouvoir ?), et l’évocation de nos désirs les plus obscènes. 

    Devons-nous pourtant en demeurer à cette position, et ne pas chercher ce que pouvaient signifier, autrefois, ces cérémonies à une divinité ityphallique – que ce fût par exemple avec le dieu Min en Egypte, ou encore dans la Grèce la plus classique ? En se rappelant bien qu’il s’agissait de cérémonies religieuses … 

    Or, c’est bien à un tel travail que s’est livré Bernard Rio, spécialement dans la région où l’on se serait le moins attendu à ce genre de réflexion : l’ensemble du monde celtique, et particulièrement breton, où l’on sait comme le christianisme le plus traditionnel a imprimé sa marque. 

    Et les résultats en sont étonnants : comme l’on savait déjà que c’était aux chapiteaux d’églises que l’on trouvait en Grande Bretagne des représentations de sheela-na-gig, c’est-à-dire de ces figures féminines qui offrent au regard toute l’interrogation de leurs vulves qu’elle ouvrent béantes de leurs mains, on découvre que bien des images sexuelles nous ont été transmises dans ces lieux de culte d’où l’on aurait pu croire qu’elles avaient été définitivement bannies. 

    Et, du coup, l’auteur est obligé de remonter jusqu’aux profondeurs de notre héritage indo-européen, et parfois même encore plus : jusqu’à des croyances du néo, pour ne pas dire du paléolithique, pour comprendre de quoi il est réellement question. 

    Et l’on prend alors conscience comme le sexe était d’abord conçu en ces époques comme une force cosmogonique - et que s’y livrer en revenait d’abord, d’une certaine manière, à s’inscrire dans la plus profonde harmonie de l’univers… Comment comprendre autrement tant de représentations qui ont survécu à la grande « pudeur » de l’Occident et la présence « obsédante » de phallus et de vulves qui nous parlent d’abord de l’ordre supra-humain dans lequel nous nous inscrivons ? Comment comprendre (au delà de tous les arrangements que nous en avions faits ?), la passion physique de Tristan pour la reine Iseut, ou que, jusque dans La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils (et quels que fussent les a priori idéologiques de ce dernier), on ne puisse renoncer à la fascination du sexe qu’après l’avoir totalement vécu avec une demi-mondaine ? 

    Ainsi, appuyé sur une réflexion savante et sur tant de photographies exécutées là où, souvent, on s’y serait le moins attendu, nous introduisant à un tout autre rapport au 

    monde que celui auquel nous sommes habitués, Bernard Rio nous force-t-il à nous repenser et à revisiter un domaine dont nous croyions, à tort, tout savoir. 

    Bernard Rio, Le cul bénit/Amour sacré et passions profanes, édité par Coop Breizh, et abondamment illustré, 191 pages,25 euros. 

  • Les 400 culs

    Chronique d'Agnès Giart sur le blog de Libération.fr

     

    08/01/2014

    «Epingler» l’homme de sa vie

    Nous jetons des pièces de monnaie dans les fontaines pour que nos voeux se réalisent. En Bretagne, on jette des épingles: «Je veux un amoureux.» Pourquoi ? Dans un livre débordant d’énigmes et d’images, le spécialiste du patrimoine breton Bernard Rio explore les dessous de ces étranges croyances qui se perpétuent encore, un peu, de nos jours.

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    Si vous cherchez un homme à marier, ou à aimer (soyons moderne), rien de plus facile: partez dans le Morbihan, à Augan, pour visiter la grotte de l’ermite, trouvez une fissure dans la roche et plantez-y des épingles… En 1484, un seigneur révolté s’était réfugié là, pour sauver sa tête et avait fini par goûter si fort à la vie d’anachorète qu’il s’en était fait une mission. Il s’appelait Yvon Harscouet et les gens du pays, à force de le voir repriser ses vêtements en loque devant l’entrée de la grotte, avaient fini par l’appeler Saint Couturier. L’Eglise ne l’a jamais canonisé, mais en Bretagne l’affaire est entendue: Couturier est un saint. «A sa mort, l’ermitage de Saint-Couturier devint un lieu de pèlerinage. Le peuple y plaça une petite statue, laquelle fut vénérée par les jeunes filles à marier. Les épingles, qui servaient à recoudre les vêtements du saint, devinrent des ex-voto. Les pèlerins les fichaient dans la statue et dans les interstices du rocher.»


    Bernard Rio, qui parcourt en tous sens la Bretagne depuis 1985, traquant les vestiges de cultes anciens et de lieux magiques, affirme que l’efficacité de ce rituel était reconnue jusqu’au début du 20e siècle, même dans les plus hautes sphères de la société. Le marquis de Bellevue racontait ainsi qu’en 1837 une de ses grands-tantes «avait piqué dans la grotte de Saint-Couturier trois épingles ; l’une était petite, l’autre longue, la troisième se tordit en pénétrant dans la fente du rocher. Or, dans cette même année, la main de celle qui craignait de voir sur ses cheveux blonds la coiffe redoutée de sainte Catherine (1) fut demandée par trois prétendants: un petit, un grand et un bossu». Ces superstitions n’étaient guère prisées par le clergé. En 1835, la statue de Saint-Couturier  ressemble tellement à un fétiche vaudou qu’un abbé l’enlève et, avec la complicité de deux autres prêtres, va l’enterrer au cimetière «à l’endroit réservé à la sépulture des enfants morts sans baptême.» Le peuple est privé de son objet de culte, mais qu’importe: il y a d’autres statues ailleurs.

    A Perros-Guirrec, les jeunes filles plantent une épingle dans le nez du saint, dont la statue est en bois. Si l’épingle tient, c’est bon signe: le mariage aura lieu dans l’année. Le nez du saint ne résiste pas aux dévotions intéressées des jeunes filles. En 1904, son effigie défigurée est remplacée par une statue de granite, mais en vain: des touristes «perpétuent» la coutume et la sainte face de Guirec se creuse d’année en année.
    Au Pertre, c’est dans les pieds de Saint Lénard que les épingles sont fichées. Ses orteils ressemblent à des pelotes d’épingle, signe que certaines continuent de pratiquer le rituel. Pourquoi ? Parce que les pieds, tout comme le nez, sont des symboles phalliques, répond Bernard Rio: planter une épingle dedans c’est comme «ferrer le poisson ». «Ne dit-on pas d’une célibataire qu’elle cherche chaussure à son pied? Bien avant  que l’expression «prendre son pied» ne devienne populaire, il existait dans l’Europe médiévale un culte et un fonctionnement érotique du pied». 

    Dans son livre Le Cul bénit, guide illustré de la Bretagne érotique, Bernard Rio relève encore trois autres lieux de culte similaire: A Bazouges-la-Pérouse, les filles viennent «piquer» les pieds de la statue de Saint-Mathurin et certaines visent les anfractuosités du bois afin que le message soit clair : «Je veux qu’il m’épingle.» Aux Moutiers-en-Retz et à la chapelle de Prigny, des dizaines de tiges d’acier ornent encore de nos jours les pieds de la statue de Sainte-Guénolé. Qu’il s’agisse d’une sainte ne change rien au symbolisme du rituel : cribler le pied d’une statue, c’est faire un appel du pied au destin. «Le pied, situé à l’extrêmité du corps, est l’affirmation d’une impulsion, explique Bernard Rio. Lorsqu’une jeune fille sollicite un saint (qu’il soit mâle ou femelle), elle s’attache symboliquement à ses pieds pour aller de l’avant. Ce rituel équivaut à un premier pas.» Bernard Rio note d’ailleurs que suivant un renversement symbolique, la statue de saint-Guénolé -pendant masculin de Sainte Guénolé- fait l’objet à Brest d’une vénération d’un genre plus qu’explicite : au 19e siècle, un voyageur scandalisé raconte que le bois de sa «cheville » est râpé puis avalé avec de l’eau par les femmes inféconde. Le mot «cheville» désigne le pénis et, comme le note malicieusement Bernard Rio, ce culte priapique a, jusqu’au début du 20e siècle, un succès tel que la «cheville» du saint doit régulièrement être remplacée. 

    Autre lieux de cultes bizarres : les fontaines. «L’usage le plus fréquent consiste à y jeter des épingles. A Trébabu, c’est à la fontaine de Notre-Dame du Val que les garçons et les filles se rendent pour consulter l’oracle en jetant des épingles dans le bassin. Si l’épingle flotte, c’est bon signe. Même diagnostic à la fontaine Saint-Ourzal à Porspoder, à la fontaine Sainte-Barbe au Faouët, à la fontaine de Bougès à Saint Thégonnec, à la fontaine Saint Séni à Guisseny et à la fontaine des filles à marier au Folgoët. (2)» Pour Bernard Rio, le symbolisme est transparent : tremper une épingle, c’est mélanger des principes mâles et femelles. Il en veut pour preuve quelques détails révélateurs : le nom breton de la fontaine Saint-Seni par exemple est Sant Sutig, du breton Sut, "sifflet", c’est à dire "pénis". Et dans la fontaine Sainte-Barbe, il y a une cuve de bois avec une fente : pour savoir si elles se marieront dans l’année, les filles doivent  -dos tourné au bassin- lancer une épingle dans l’eau. Si l’épingle pénètre dans la fente au fond de la cuve, les noces sont assurées ! «La jeune fille qui fait l’offrande d’épingles à la fontaine n’est plus une fillette. Elle affirme son désir d’émancipation familiale, sociale et sexuelle», conclut Bernard Rio, qui ajoute : vient alors pour elle le moment fatidique, celui qui la fait passer «de l'épingle à l'aiguille, du désir inaccompli au passage à l'acte».

    L'aiguille bisexuelle fera l'objet de mon prochain article. Rendez-vous lundi.

    "Le cul bénit, amour sacré et passions profanes", de Bernard Rio, préface de Michel Maffesoli, éditions Coop Breizh, 25 euros.

    (1) Elle craignait de rester vieille fille. La coutume veut en effet que le 25 novembre, en hommage à leur sainte patronne - Sainte Catherine - on célèbre la fête des vierges (filles à marier ou vieilles filles) et la fête des couturières en allant, si l'on n'est pas fiancée, poser un voile sur la tête de la statue afin de s'en attirer les faveurs. Le voile est nuptial, bien sûr. Et il faut le faire tenir avec des épingles. Toutes les filles à marier, selon l'expression "coiffent Sainte Catherine" mais passé un certain âge, il y en a qui deviennent définitivement coiffées. 

    (2) Il y a encore un autre endroit pour trouver le vit de son âme et l'homme de sa vie… Entre le port et la côte de la commune Le Croisic (Loire-Atlantique à 28 km à l’ouest de St-Nazaire) se trouve la chapelle Saint Goustan. Près de cette chapelle, il y a un rocher dont on dit que s’y trouve l’empreinte d’un corps. Les femmes célibataires lançaient autrefois des épingles vers une fissure de ce rocher. «Si elles réusissaient du premier coup à en ficher une, elles se marieraient dans l’année, sinon, il leur fallait attendre autant d’années qu’elles avaient dû jeter d’épingle.» Même chose à Plouvien (Finistère) : la fontaine sacrée de la chapelle Saint-Jean-Balanant est longtemps réputée pour indiquer aux filles quand leur voeu de mariage sera exaucé : si l’épingle qu’elles y jettent surnage, ce sera dans l’année. (source: Guide des lieux insolites et secrets de Bretagne, par Alain Dag'Naud).

  • Le salon littéraire

    Chroniques d'Anne Bert dans Le Salon littéraire et sur le blog impermanence

     

    Haut les culs, hauts les cœurs,  Le cul bénit c’est  une quête du Graal, le sexe principe d’amour, fût-il divin.

     

     

    Les belles épousailles que voilà en terre bretonne !   Le titre Cul bénitoxymore qui acoquine la chose dont il ne faudrait pas parler et la morale qu’il faudrait suivre, comme le dit joliment  l’auteur, sied à merveille à ce beau livre qui réconcilie les bas morceaux du corps avec le très haut esprit saint  en nous invitant  à changer notre regard  sur les représentations canailles qui ornent les édifices religieux de la région.

     

    Bernard Rio refuse de décrypter les scènes érotiques avec une vision religieuse ou moraliste, ou même  exhibitionniste, non, ces sexes érigés  et ces culs ouverts ne sont pas là pour effaroucher les bonnes âmes et les dévots ou ravir les voyeurs. Le sexe et ses plaisirs sont aussi un chemin qui mène à Dieu et il faut pour  aller chercher au-delà du christianisme, lever le voile pudibond.

     

    L’auteur ôte  donc les œillères  de la bienséance et  cherche  une connexion pour comprendre le sens de cette débauche de sexes et de chair tentatrice,  il ne se focalise pas sur ce qui fascine l’œil, il embrasse l’ensemble des scènes, il interroge  les  lieux, les paysages, l’architecture, la mythologie, les fêtes calendaires, l’étymologie, bref  il lui faut retrouver toutes les pièces du puzzle pour  débusquer le sens de cette imagerie érotique et pornographique qui  envahit porches et calvaires de la Bretagne.

     

    Ce spécialiste de l’environnement et du patrimoine  s’est  livré  à un travail historique de fourmi.  Il dit en préambule avoir  épuisé les traités d’art sacré et les ouvrages érotiques sans trouver réponse. Alors il a franchi les frontières  et c’est un ouvrage d’ Alain Daniélou  sur les temples hindous qui lui a donné une clef : ces lieux de culte  sont des endroits choisis pour des raisons précises, des lieux magnétiques,  magiques,  de véritables centres de communication entre deux mondes qui se méconnaissent et qu’il faut réunir, le visible et l’invisible. 

     

    B.Rio  transpose cette vision des choses aux sanctuaires bretons et ne voit plus dans une vulve exhibée une provocation ou un objet de péché.

     

    Ainsi, dit notre auteur, La voie de Dieu peut aussi emprunter le chemin des Dames…

     

    Nous voici donc  embarqués pour  plusieurs millénaires  d'amour et de désir après que notre guide nous a présenté  la grande Déesse et ses signes symboliques, vulve ouverte, sein,  fesses, lune, soleil et la fertilité, et le  Bon Dieu et son phallus (donc dressé), son homologue masculin.

     

    Les présentations faites, il s’agit d’ouvrir son champ de vision et de ne jamais se contenter de regarder le détail pornographique ou évoquant le sexe, ce qui est tentant il est vrai, tant l’iconographie  choisie  est  étonnante. Mais l’auteur  au regard affûté ne nous laisse pas gamberger, le contexte  historique est  décortiqué dans cette invitation à remonter le temps.

     

     

    Le livre est impossible à résumer tant le propos est soigneusement fouillé pour chaque sculpture sur laquelle s’arrête l’auteur.  Alors pêle-mêle quelques images récurrentes :  au chapitre 2, Les sirènes et l’amour, s’intéresse à ce que les fontaines disent de la féminité, ces portes d’un autre monde décrites  par Chrétien de Troyes, et qui ont donné corps à de si nombreuses légendes, telles celles des jeunes filles et des épingles avec leur symbolique sexuelle.  Dans le chapitre 3, la figure de la sirène  nue   ou  toujours seins nus est diabolisée et opposée à La Sainte Vierge désexualisée (ses seins servent à nourrir) ;   cette sirène  est[..parfois dotée d’une double queue, elle fait le grand écart pour offrir son sexe au regard et susciter le désir..] telle Sheela, l’irlandaise (Chapelle Notre Dame-du- Tertre à Chatelaudren). L’église a dû faire bonne figure avec cette diablesse parce qu’elle est omniprésente.

     

    B. Rio donne à chaque fois très précisément le lieu se trouvent les représentations qu’il mentionne mais c’est dommage qu’il n’ait pas inclus en fin d’ouvrage  une carte de la région les répertoriant, ce qui 

     

    permettrait d’organiser un périple breton réjouissant pour aller rendre hommage au phallus à clochette et à pattes à Langolin,  méditer à  Brasparts en compagnie  de cette sculpture pensive qui empoigne son sexe en érection , déchiffrer la présence du phallus dans la gueule du chien à Gourin, imaginer les scènes de carnaval face à la dame  les jambes écartées  tenant une  quenouille de la main droite et la queue du cochon de la main gauche… et  cheminer  ainsi de fous en  pétangueules, de cornus  en lèche-cul,  jusqu’aux  autres  innombrables sculptures si bavardes pour peu qu’on veuille bien les écouter.

     

     

    Après avoir refermé ce livre, on ne pourra plus s’arrêter  devant un sanctuaire sans avoir envie de faire son  propre jeu de piste à la recherche de toutes les composantes  qui justifient  le lieu de culte et  ses ornements, en gardant toujours à l’esprit que ces endroits  rassemblent et invitent au vivre ensemble  dans l’harmonie.  Et  surtout que  les plaisirs charnels ne sont pas un péché.  L’érotisme, pour ne pas dire le cul,  est assurément le premier pas vers  Dieu… le Bon Dieu … la Grande Déesse… Bel ode à la vie, non ?

     

    Anne Bert

     

    Le cul bénit- Amours sacrés et passions profanes - Bernard Rio - 190 pages -  éditions Coop Breizh-  oct 2013 -  25 €

     

     

    Le cul bénit de Bernard Rio

    c-cul-benit

    Si vous êtes féru d’art, d’érotisme, d’ histoire avec un grand H ou pas, ou si vous envisagez une balade en Bretagne je ne saurais trop vous conseiller ce bel ouvrage qu’est Le Cul bénit, sur l’érotisme des lieux de culte bretons, doté d’une étonnante iconographie parfois très explicite.

    Bernard Rio,  nous ouvre les portes d’un monde d’amour en rejetant de l’art érotique sacré, la notion de péché. Ce livre révèle combien le sexe participe à l’amour de dieu comme à celui de nos prochains, et comment depuis des millénaires les sculpteurs l’ont intégré dans leur art pour fêter la vie autant que Dieu. Mais fallait-il encore vouloir  regarder plus loin que par la lorgnette du péché….IMG04337-20140112-1452

    IMG04338-20140112-1452 brSi le coeur ( ou le cul) , vous en dit, vous pouvez aller lire ma chronique du Cul bénit sur :

     

     → Le Salon Littéraire

     
     
  • Le Monde des Religions

    Michel Cazenave Le Monde des Religions

    Mythologies celtiques et autres

    Philippe Jouët, Dictionnaire de la mythologie et de la religion celtiques, Ed. Yoran Embanner, 1040 p ., 48 euros / John Sharkey, Mystères celtes, Dervy, 128 p., 14 euros / Bernard Rio, Voyage dans l’Au-delà - Les Bretons et la mort , Ed. Ouest-France, 28

     

    Les mythologies (et les contes et les légendes qui, si souvent !, les déguisent à peine), n’ont pas fini de nous faire rêver… Et encore plus, lorsque nous découvrons les mythologies des Celtes qui, sans doute, n'ont pas fini de nous faire songer, et dont on sait à quel point elles sont pour une grande part à l’origine de notre imaginaire culturel - et de notre littérature : il suffit de penser à cette Matière de Bretagne qui a inspiré tout notre Moyen Age, et dont quelqu’un comme Chrétien de Troyes, ou une auteure comme Marie de France, reconnaissaient sans ambages qu’elles les avaient inspirés…

    Aussi, soyons reconnaissants à Philippe Jouët, dans un remarquable dictionnaire, et à John Sharkey – fût-ce, parfois, et dans ce dernier cas, au cours de « dérives » qui ne sont pas sans nous faire penser aux théories les plus aventureuses du New Age – de nous introduire à des figures et à des conceptions du monde qui nous sont apparemment devenues si étrangères, et dont nous sommes néanmoins, que nous le voulions ou non, les lointains descendants.

    Mais ces mythologies sont-elles vraiment dépassées ? Et ne continueraient-elles pas à se manifester encore aujourd’hui ?

    Je pense que, pour toute personne qui a peu ou prou voyagé en Irlande, dans les Highlandsd’Ecosse, dans les collines du Pays de Galles, ou même dans la Cornouailles anglaise – sans vouloir parler de tout le territoire de la Grande Bretagne - la réponse va quasiment de soi… Mais quant à la France, pays des « esprits forts » et de ceux qui ne veulent pas s’en laisser conter ? Eh ! bien, il suffit de consulter l’ouvrage de Bernard Rio, consacré auVoyage dans l’Au-Delà selon l’imagination des Bretons les plus contemporains, pour s’apercevoir que les mythes n’en ont pas fini de nous abreuver. Que ce soit l’Ankou, le conducteur des morts, ou les annaon, les âmes errantes, comme ils sont encore « vivants » de nos jours ! – tout en se pliant parfois à ce que nos technologies, en particulier informatiques, peuvent offrir de plus moderne – et sans oublier que tous ces mots proviennent d’une vieille racine indo-européenne, *an, qui désigne le vent (d’où, nosanémomètres), et par dérivation, cette âme (anima en latin) qui ne cesse de s’interroger sur son sort.

    Peut-être parce que la science la plus pointue ne peut rien nous dire de ce qui nous attend derrière ce seuil fatidique, et que la mythologie prend là la relève en nous permettant de nous expliquer à nous-mêmes ce qui reste autrement du domaine du mystère ?

    Toujours est-il qu’il faut aussi prendre connaissance de l’étude, rédigée par Claude Lecouteux, ancien professeur à la Sorbonne, et préfacée par Régis Boyer, notre meilleur spécialiste en culture scandinave, sur Les Nains et les Elfes – puisque le succès du Seigneur des Anneaux de Tolkien et des films qui en ont été tirés par Peter Jackson, nous les a largement remis en mémoire… Alors, on a vite fait de s’apercevoir que ces êtres « fantomatiques » ne cessent de nous hanter, et que ce n’était pas pour rien que Siegfried, dans les Nibelungen, s’en remettait à eux pour perpétuer l’Or du Rhin. N’est-ce pas, aussi bien Richard Wagner que Fritz Lang ?

    Bref, des ouvrages à lire de toute urgence pour saisir un peu de notre époque ; pour comprendre comme les mythologies ont encore (nécessairement, pourrait-on presque dire) de beaux jours devant elles ; pour se rendre compte que, au contraire de l’image trop bien convenue, le christianisme dominant en nos contrées ne les a pas forcément éradiquées – mais, devant leurs survivances têtues, a souvent préféré les « baptiser » pour tenter de les « ré-orienter ».

  • Le cul bénit entretien avec Bernard Rio

    Entretien avec Bernard Rio

    - Après votre ouvrage sur les Bretons et la Mort, « Voyage dans l’au-delà » publié en septembre aux éditions Ouest-France, voici que parait en cette fin d’année « Le cul bénit, amour sacré et passions profanes » aux éditions Coop Breizh. N’est-ce pas paradoxal d’écrire sur des thèmes aussi différents ?

    J’ai écrit plusieurs ouvrages qui traitent du patrimoine et de l’environnement avec toujours en filigrane la question de la nature humaine et des relations que l’homme entretient avec la nature. Ces deux derniers livres ponctuent de longues années de recherches et d’études. Ils s’inscrivent dans une même démarche intellectuelle que je pourrai résumer comme une double tentative de réconcilier d’une part les trois plans de l’homme : le corps, l’esprit et l’âme ; et d’autre part d’appréhender les rapports entre l’individu, le couple et la communauté. Dans cet ouvrage, j’analyse les diffférents thèmes érotiques représentés sur les monuments religieux, que ce soit les seins sculptés sur les allées couvertes du néolithique ou les phallus dans les chapelles en Bretagne.

     

    - Ce livre représente combien d'années de travail ?

    Autant que je me souvienne, j'ai dû photographier une première scène au milieu des années "quatre-vingt" dans une chapelle du Morbihan, mais c'est à partir de 2005 que je me suis vraiment interrogé sur le sens de ces motifs récurrents dans l'art sacré. 

    Dans un premier temps, je n'avais pas l’intention d’écrire un livre. Je n’en avais d’ailleurs pas la matière. Mon but était personnel, je cherchais simplement une ou des réponses aux questions que je me posais sur la présence de ces sculptures et fresques bien peu conformes à l’orthodoxie catholique.

    L'accumulation des images dans les chapelles était telle que ce ne pouvait pas être un motif anecdotique. L’idée la plus communément énoncée pour expliquer ces scènes érotiques, à savoir la dénonciation de la luxure pour édifier les fidèles ne me convenait pas davantage qu’une hypothétique volonté licencieuse du sculpteur. Ainsi l'homme au phallus (page 131) est-il visible de tous dans l'église Saint-Jean de Le Croisty (56) tandis que ce n'est pas le cas de la femme qui dévoile son sexe dans l'église Saint-Gilles à Malestroit (56), laquelle est sculptée sur une sablière de la travée nord... Pour édifier, il faut montrer or certaines scènes sont cachées ou placées hors du regard du visiteur. A contrario, pour prendre le contrepied de la morale puritaine tout en évitant la censure, l'artiste doit dissimuler son oeuvre or certaines scènes érotiques sont visibles de tous !

     

    - Le cul bénit, le titre de votre livre résonne comme une provocation !

    Je dirai que ce titre fonctionne d’abord comme une interrogation pour suggérer ensuite une réconciliation entre la chair et l’esprit. Beaucoup de personnes confondent la religion et l’église, la morale et le puritanisme. Or le sanctuaire a été conçu par les batisseurs comme un lieu de rencontre entre la terre et le ciel, un lieu d’harmonie pour que l’homme intègre un plan divin. 

    Il n’y a pas à mon avis à séparer le profane et le sacré. Il convient au contraire de requalifier le plaisir de la chair pour célébrer Dieu sur le modèle des temples hindous par exemple. L’amour charnel peut aussi s’avérer spirituel !

     

    - Peut-on vraiment parler d’une continuité religieuse depuis le néolithique ?

    L’originalité de la Bretagne est de posséder une amplitude historique et une multitude de sources depuis la préhistoire.

    Sur une longue durée, il apparaît que l’homme cherche avec constance les moyens de s’unir à Dieu, que ce soit la Grande Déesse dont les attributs ornent les allées couvertes, les personnages de la sirène ou de la fée, ou encore la sainte Vierge, sainte Anne, sainte Brigitte ou les autres saintes dites à la quenouille. Ce principe féminin est corroboré par son pendant masculin et les représentations ithyphalliques visibles sur les mégalithes, les stèles de l’âge du fer, les chapiteaux romans ou les sabllières de la renaissance. 

     

    - Le postulat de votre livre est que le sanctuaire chrétien aurait conservé les traces de cultes antiques.

    Oui, je l’explique dans cet ouvrage avec le décryptage de plusieurs sites par exemple à Gouézec (29) ou à Rimou (35). Les bâtisseurs du Moyen Âge et les sculpteurs de la Renaissance ont légué un puzzle de scènes dont on ne peut comprendre le sens si on ne cherche pas à interpréter l’ensemble du décor. Le langage des bâtisseurs n’est ni désinvolte ni inintelligible. Isoler une scène érotique d’un ensemble que ce soit par voyeurisme ou par puritanisme, tel l’homme en érection à la croisée du transept de l’église Saint-Jean de Le Croisty (56) où la femme qui dévoile son sexe dans le porche de la chapelle Notre-Dame du Tertre à Chatelaudren (22),c’est tronquer et trahir un schéma symbolique cohérent.

    - Pouvez-vous développer un de ces exemples ?

    Prenons le cas de la dame à la quenouille. C’est à la fois une allégorie de la fileuse du temps qet une représentation de la féminité.

    La dame s’arme littéralement de la quenouille, outil phallique, pour attraper la queue du renard lui ayant volé une saucisse sur une sablière de la chapelle de Krenenan à Ploërdut (56) et de la chapelle de La-Trinité à Cléguerec (56). Le renard ne représente pas seulement le voleur par excellence. Il est aussi celui qui aime les filles. Le renard à deux pattes, « louarn a daou droad » en breton est le coureur de jupons. La dame à la quenouille qui attrape la queue du renard dévorant une saucisse est donc un enchaînement symbolique à plusieurs sens ! C’est en effet lors de la fête des Fous et des carnavals que saucisses et boudins étaient distribués et engloutis par la foule qui entonnait des chants obscènes et mimaient des accouplements lors de danses effrénées.

    Cette interprétation licencieuse de la femme à la quenouille tirant la queue du renard mangeant une saucisse vaudrait également pour une autre version de la dame qui attrape la queue du cochon qui tient entre ses dents la cheville d’un tonneau. Dans l’église Saint-Thomas à Landerneau (29), la dame assise par terre les jambes écartées tient sa quenouille de la main droite et la queue du cochon de la main gauche… tandis qu’un homme s’arc-boute derrière elle en lui tirant les tresses de sa chevelure. Les tresses étant une des marques de la prostituée, le commentaire est aisé. La scène est sans équivoque si on veut bien ouvrir les yeux. Car le tonneau en perce c’est évidemment la femme qui perd sa virginité. Le cochon a tiré la cheville de bois pour s’amuser…L’expression : « Fest an ibil sonn », « le festin de la cheville dressée » signifie une partie de jambes en l’air !

     

    Le cul bénit, amour sacré et passions profanes, Bernard Rio, éditions Coop Breizh, 200 pages, 25 euros

  • Voyage dans l'au-delà : les Bretons et la Mort, Bernard Rio

    A voir : 

    http://www.youtube.com/watch?v=Bjr1FlIG8Yg&feature=c4-overview&list=UUoARnnA96FMEkaE1_Z3QXbQ


    Entretien avec Bernard Rio

     - Qu'est-ce qui vous à pousser à écrire sur ce thème ?

    Ce livre résulte d’une longue collecte de témoignages, de faits et d’images accumulés depuis une vingtaine d’années, de rencontres et d’interrogations personnelles. Mon environnement familial m’a probablement et naturellement influencé, je pense notamment aux histoires racontées par ma grand-mère originaire de Branderion qui avait la particularité de « voir », c’est-à-dire d’être avertie de la mort de ses proches. Elle racontait ses histoires sans leur conférer un caractère sensationnel car la fréquentation des morts et l’existence d’un autre monde parallèle étaient pour elle des évidences.  Plusieurs décès et obséques dans mon entourage ont également suscité des interrogations quant à la pérennité de certains rites et à la disparition de certains autres. Par ailleurs, je me suis rendu compte que les anciennes pratiques funèbres étaient de moins en moins compréhensibles tout en s’avérant de plus en plus nécessaires pour accepter l’idée de la mort, je pense par exemple à la veillée, au repas de funérailles. …Il m'importait donc de redonner du sens à ces rites et pratiques afin de les partager avec mes contemporains 

      - La mort, les rites, les pratiques funèbres est-ce plus présent en Bretagne que dans d'autres régions de France ? 

    Il existe en Bretagne des relations singulières avec la Mort que je n’ai observées nulle part ailleurs. Outre le personnage de l'Ankou, avatar du dieu celte Ogmios, il y a le bag noz, c'est-à-dire la barque des morts dont Procope cite déjà l'existence au Ve siècle. De même les anaon, "âmes errantes", les saints Diboan, Abibon, Tu-pe-tu- Genefort qui sont les avatars d'un autre dieu celte Sukellos et sont invoqués à la vie et à la mort. La liste de ces particularismes est longue, pour ne citer qu'un dernier exemple : Kidu, le chien noir dans lequel le recteur de Bégard enfermait les âmes damnées et qu'il menait pour le noyer dans le Yeun Ellez, le marais de Brasparts...  

    Paradoxalement, ces relations qui perdurent sont de moins en moins acceptées par une société à la fois laïque et hygiéniste, où la part du sacré et de l’irrationnel est perçue comme un atavisme rétrograde. Ainsi l’existence du mell beniguet, le marteau bénit utilisé dans le pays vannetais pour libérer l’âme du défunt a été considéré comme une pratique barbare à la fois par les esprits cartésiens et le clergé catholique… Or cette pratique originale subsiste au Vatican avec l’usage d’un petit marteau en argent utilisé par le camerlingue pour déclarer la mort du pape, de même les brahmanes vont pratiquer l’ouverture du 7e shakra du défunt avec un marteau symbolique avant de procéder aux funérailles. Cet exemple est révélateur de la complexité culturelle des rites funèbres en Bretagne. C’est à la fois la dimension symbolique des rites et la permanence des pratiques dans la Bretagne contemporaine que j’ai voulu d’abord étudier puis partager publiant cette enquête.

     - La Toussaint n'est pas une fête bretonne ?

    La Toussaint est effectivement une fête chrétienne qui a été superposée à une fête celtique connue des anciens Celtes : Samain. C'est au VIIe siècle que la fête de la Toussaint a été instaurée. Il ne s'agit pas d'une fête des morts mais l'usage ancien de célébrer les défunts à cette occasion a conduit le pape Boniface IV  à créer la fête des défunts, le 13 mai 610, à l’occasion de la dédicace de l’église Sainte-Marie-et-des-Martyrs au lieu et place du Panthéon à Rome. Ce n'est qu' au IXe siècle que le pape Grégoire IV s'est finalement résolu à accepter le culte rendu aux morts les 1er et 2 novembre et donc à christianiser ces fêtes païennes. 

     
    Vous parlez de nouveaux rites funéraires et signes funèbres, quand sont-ils apparus et pourquoi à votre avis ?
     
    Le monde évolue, mais, sur l’échelle du temps, ce que nous appelons autrefois n’est que l’instant d’hier. Aujourd’hui, les Bretons poursuivent les  dévotions sur les tombes, continuent de croire et de voir les « âmes errantes »  les Anaon,  le « messager de la mort » l’Ankou se manifeste toujours ainsi qu’en attestent des témoignages récents collectés dans toute la Bretagne. 
    Les intersignes peuvent désormais se manifester par le biais de la technologie : téléphone, ordinateur, appareil photo numérique… Les morts savent s’adapter aux modes des contemporains, ainsi l’auto-stoppeuse fantôme qui est apparue en Bretagne  voilà une vingtaine d’années peut être considérée comme une variante moderne de la dame blanche !
    Les rites, les pratiques et les phénomènes « surnaturels » perdurent donc. Ils s’inscrivent certes dans un continuum, mais il importe aussi de redonner un sens à cet ensemble de croyances qui ne relève pas de la fiction ou de la psychiatrie, de retrouver une cohérence à la fois cultuelle et spirituelle qui ne s’apparente nullement à un sensationnalisme. 
     
    Pensez-vous que ces histoires ne concernant que les anciennes générations ?
     
    Non, il suffit d’écouter les jeunes d’aujourd’hui et d’observer leur intérêt pour les histoires surnaturelles, notamment les séries télévisées traitant de vampires et autres   sorcières. Les nouvelles générations naviguent entre la réalité du quotidien et la virtualité des jeux sur internet et du cinéma. Mais les pratiques et croyances des Bretons sont bien plus complexes que la matière exploitée par la littérature fantastique ou les séries télévisées qui confondent, dans un même bric à brac puéril, fantômes, esprits, spectres, vampires et démons. L’autre monde n’est pas peuplé de figurants et de chimères qui disparaissent en fumée après un signe de croix. Il ne suffit pas d’une aspersion d’eau bénite pour éloigner l’âme en peine, pour protéger le vivant et pour refermer la porte au passage de l’âme. 
    Au XXIe siècle, le passage de l’au-delà reste ouvert, dans un sens et dans l’autre. Cette simple perspective relativise les signes de désagrégation de la pensée contemporaine.
    Certes, les hommes ne décèdent plus à leur domicile, les défunts ne sont plus inhumés au centre du village, l’incinération devient de plus en plus “tendance”, l’Église catholique n’est plus la vigie morale de la société  moderne… Tous ces changements voire cette perte de repères désorientent les vivants et les morts, mais l’oubli et la relégation des trépassés ne sont que des échapatoires, des dénis intellectuels pour celui qui refuse de dépasser la dualité et se limite à ce que saint Bernard appelait « l’homme charnel ». La Mort n’est pas une légende pour répondre un siècle plus tard à Anatole Le Braz, auteur en 1893 de la fameuse  légende de la mort.
     
     
    Voyage dans l'au-delà : les Bretons et la Mort, Bernard Rio, éditions Ouest-France 2013

  • Le cul bénit : amour sacré, passions profanes, Bernard Rio

    Le cul bénit : amour sacré et passions profanes

    Bernard Rio, préface Michel Maffesoli, édition Coop Breizh

    Parution le 7 décembre 2013 et présentation à la librairie Coop Breizh, rue Elie Fréron à Quiimper (29)

     

    Préface de Michel Maffesoli

    Des penseurs comme Nietzsche ont rendu attentif à cette « magie des extrêmes ». Manière, pour lui, de renverser les barrières établies par la bêtise philistine. Mais également force agissante d’une sagesse humaine fondée sur l’acceptation de ce qui était considéré comme le Mal. L’intérêt du livre de Bernard Rio est de montrer que , sur la longue durée, et fortement enracinée dans la vie quotidienne, ce que le moralisme "bien-pensant" nomme excès est au fondement même de tout vivre-ensemble. Telle est bien l’essentielle "leçon" que nous donne  LE CUL BÉNIT !

    G. Bataille , dans toute son œuvre, a montré la puissance de «la « dépense » dans la constitution de l’homme souverain. Cet « homme du surcroît » qui ne s’accommode pas des petitesses comptables. Sans oublier G. Deleuze : « nous nous servons de l’excédent pour inventer de nouvelles formes de vie ». Même si cela n’est pas conscientisé ou verbalisé en tant que tel, c’est bien ce souci d’un qualitatif qui semble prévaloir dans la vie de tous les jours. Créer sa vie, créer dans sa vie. Jouir au présent de ce qui est donné à vivre. Voilà bien la sensibilité à l’œuvre dans l’élaboration de ces « lois » particulières, officieuses, souterraines mais dont l’efficace est, de plus en plus, évident.C’est bien ce que résume l’auteur lorsqu’il declare : “ l’amour charnel peut aussi s’avérer sprirituel”

    J’ai parlé, pour ma part, d’une « éthique de l’esthétique » comme un écho diffus au panache du Cyrano d' E. Rostand : « c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ». Inutilité ambiante. Voilà bien quel pourrait être le modus operandi d’un monde que l’on n’entend plus dominer, mais dont on veut, tant bien que mal, jouir. Avec érudition et humour, B.Rio nous fait “déambuler dans les champ mégalithiques ou les chapelles” à la recherche de cette nécessaire inutilité ciment ( ethos) de tout socialité

     Ainsi que le remarquait le sage Montaigne : « les hommes aux faits qu’on leur propose s’amusent plus volontiers à en chercher la raison qu’à en chercher la vérité. Ils laissent là les choses et s’amusent à en traiter les causes » (III, 13). Avec une gradation judicieuse : "Préhistoire amoureuse", "Les Sirènes de l’amour", "Un culte pas catholique", "Le langage du corps", ce livre nous permet de rester aux choses mêmes. En ne les maltraitant pas, ne les surplombant pas, il souligne le désengagement radical vis-à-vis de l’utilitarisme du moralisme marchand.Ce qui est nommé une "juxtaposition des symboles" montre bien cette intemporelle “quête du Graal” suscité par la nostalgie de ce que je nomme  "ordo amoris".

    Par ce que B.Rio nomme "Le beau Dieu", on entre dans une "connaissance progressive" de la déité. Ainsi   l’homme peut comprendre l’ordre divin, "le contempler et contribuer à l’harmonie universelle". Ce qui renvoie à un être englobant : celui de la raison et du sensible. En d’autres termes autant la recherche de l’au-delà, d’une essence des choses a pu être le fondement d’une vision morale du monde, autant l’éthique mettra l’accent sur l’existence en ce qu’elle a d’impulsif, d’instinctuel, de pré-conscient, en bref de jouissance animale. Forme primaire ! Elan vital

    Le lecteur suivra, avec délice existentiel et intérêt de connaissance, la déambulation que propose B.Rio au travers de ces lieux saints dont il connaît la vraie signification: celle du symbole constitutive d’un éternel inconscient collectif . Ainsi l’on entrera , progressivement, dans une conception cosmogonique qu’exprime le lieu saint qui est, comme le dit bellement l’auteur « le milieu du monde… centre de communication entre le plan terrestre et le plan céleste ». Organicité du matériel et du spirituel, du bien et du mal, en un centre de l’union enrichi des contraires.

     

     

    Michel Maffesoli

    Professeur à la Sorbonne

    Institut universitaire de France

    Administrateur du CNRS

     

     

    Sommaire

    Préface Michel Maffesoli

    Introduction

    I Préhistoire amoureuse

    La grande Déesse

    Le bon Dieu

    Fuseau et quenouille

    De chair et de pierre

    Vénus au bain

    Cupidon, Éros et Guernichon

    II Les sirènes de l’amour

    Femmes à la fontaine

    Aux sources de l’amour

    Le pied du saint et la fille épinglée

    La fée et la sirène

    L’être et le paraître

    Le peigne et le miroir

    Belle de mer

    Centaure lubrique

    III Un culte pas catholique

    Scheela

    Mauvaise fille et Notre-Dame

    Sein et sainte

    Les trois seins de Gwenn

    Cul nu

    IV Le langage du corps

    Le sexe des anges

    Baiser et embrasser

    Le péché de chair

    Le chant des grenouilles

    L’évangile des quenouilles

    Le principe du mâle

    Le chien, l’androgyne et le satyre

    Le règne du petangueule, du chieur et du lèche-cul

    Un monde de fous

    Les danseurs endiablés

    Conclusion

    Lexique/Glossaire

    Index géographique

    Index des noms propres

    Index thématique

    Bibliographie

     

     

    Introduction Bernard Rio

    Le cul-bénit associe la partie cachée du corps et l’esprit bien pensant. Cet oxymore qui acoquine la chose dont il ne faudrait pas parler et la morale qu’il faudrait suivre, joue avec les mots et les concepts, en juxtaposant le derrière de l’homme et la vitrine de la religion, l’image de l’un et l’imagination de l’autre permutant aisément !

     

     

    Le cul-bénit : ces deux mots qui désignent à l’origine le paroissien si confit de dévotion qu’il en oublierait l’œuvre de chair, ce bon mot et ce gros mot qui ne vont prétendument pas ensemble, ce mot qui place les idées sous la ceinture et cet autre qui élève l’esprit, cette expression improbable, tout cela se révèle finalement pertinent pour évoquer ce que chacun peut voir ou ne veut pas voir, ce qui est caché et ignoré dans la nature et dans l’architecture, dans le cœur de l’homme et dans l’âme du monde, dans le microcosme et le macrocosme.

    En visitant les sanctuaires bretons, je sentais confusément qu’il existait une cohérence entre le lieu et l’esprit du lieu, entre la forme et la fonction. Je pressentais que l’image licencieuse ne se réduisait pas à une vulgaire exhibition. J’en ai cherché la clé dans les livres et les bibliothèques, accumulant les traités d’art sacré et effeuillant les ouvrages érotiques, ouvrant les portes des chapelles et papillonnant sur les blogs coquins. La quête fut souvent vaine, tant dans les discours orthodoxes des docteurs de l’art chrétien que dans les propos superficiels des jouisseurs. La porte s’entrouvrit une première fois en lisant la topographie légendaire de Claude Gaignebet et de Jean-Dominique Lajoux, en particulier leurs interprétations symboliques de la chapelle de Berzé-la-Ville (71) et de l’église de Commensacq (40). L’ethnologue et mythologue Claude Gaignebet redonnait du sens en raccordant l’architecture, le paysage, le calendrier, l’étymologie, le folklore et la mythologie. Il dépassait en les amplifiant les travaux d’Arnold van Gennep et Henri Dontenville. « Un site constitue, selon nous, une sorte de réseau qui, à partir des toponymes, relie les vestiges archéologiques, les fêtes calendaires, les monuments et les œuvres d’art sacré. Dans la plupart des cas, le travail de reconstitution d’un paysage mythique cohérent est aléatoire et les chaînons manquent » (Claude Gaignebet et Jean-Dominique Lajoux, « Art profane et religion populaire au Moyen-Âge » Presses universitaires de France, 1985).  En parcourant le réseau de la Bretagne sacrée, je me suis à mon tour évertué à relier les lieux et les rites. Mes yeux se décillaient, toutefois la matière qui s’offrait à mon regard demeurait hermétique, complexe, voire contradictoire et incompréhensible.

    C’est hors d’Europe et hors du champ moderne que j’eus le déclic. Je dois à Alain Daniélou de m’avoir ouvert la porte invisible. Claude Gaignebet m’avait apporté une hauteur et une amplitude de vue qui me permettaient d’englober un site, Alain Daniélou m’offrait la pratique religieuse. C’est en lisant les premières lignes de l’ouvrage qu’il consacra en 1977 au temple hindou, que je compris la nécessité de changer mon regard sur le sanctuaire breton et son décor pour les appréhender et les apprécier pour ce qu’ils devaient être. « Le temple hindou n’est pas un lieu de réunion où s’assemblent les fidèles. C’est, dans un endroit choisi pour des raisons magiques, un édifice construit dans le but de capter des influences subtiles. C’est un centre magnétique grâce auquel des prêtres, magiciens qualifiés, vont pouvoir au moyen de rites évoquer la présence réelle d’une divinité. C’est donc un centre de communication entre deux mondes qui se côtoient et s’entremêlent et pourtant s’ignorent, un peu comme un récepteur de radio permet de capter et de révéler des ondes partout présentes mais non perçues », écrit Alain Daniélou (Alain Daniélou, « Le-Temple-Hindou » éditions Buchet-Chastel, 1977). Certes le clergé séculier breton n’est plus depuis belle lurette composé de magiciens qualifiés, mais constitué d’animateurs sociaux plus ou moins motivés et moins que plus cultivés. À défaut des prêtres épris de spiritualité, il subsiste les lieux dont chacun peut chercher le sens. Chacun voit selon son degré de conscience.

    Le point de vue d’Alain Daniélou induit que le sanctuaire est une continuité du monde divin et qu’il existe « une interdépendance absolue entre ces divers aspects de ce que nous appelons l’existence, la réalité ». Partant de ce principe, j’ai adapté au sanctuaire breton les règles du temple hindou en revoyant les formes, les orientations, les dimensions, les dédicaces, le calendrier et les rites qui font de ces lieux des centres d’énergie. La présence d’une sculpture sur un chapiteau roman ou sur une sablière de la Renaissance opère dès lors que l’homme déambule dans le bon sens et élève son esprit en corollaire à son regard. A contrario, regarder sans conscience et à contresens un personnage ithyphallique ou une « sheela na gig » peut induire un basculement, une inversion, une aversion ou un envoûtement.

    Supposer que le phallus ou la vulve exposés au vu et au su de tous est un divertissement d’artisan ou une représentation du péché, c’est méconnaître la structure du sanctuaire et la pensée traditionnelle.

    Le décor n’est pas anodin. De même que les astres influent sur le règne végétal et le règne minéral, il existerait des relations subtiles entre les règnes animal, végétal et humain. Au temple et à son décor correspondraient l’homme, ses organes et ses humeurs. Le sanctuaire breton posséderait l’équivalent des chakras hindous, des seuils pour sentir et percevoir une autre dimension.

    Résultat de longues années d’errance et de tâtonnement, puis de réflexion sur le sexe et la religion, cette étude induit des retrouvailles. L’erreur serait en effet de séparer le profane et le sacré, de disqualifier l’un pour célébrer l’autre car le sujet n’est pas frivole et l’exhibition d’un cul n’aiguise pas seulement les sens physiques. L’amour charnel peut aussi s’avérer spirituel ! La voie de Dieu peut aussi emprunter le chemin des Dames. Aux grenouilles de bénitier font écho les vêpres des grenouilles.

    Ce n’est point avec des préjugés qu’il convient de déambuler dans les champs mégalithiques ou les chapelles, car l’apparence est souvent un voile qu’il faut soulever pour apercevoir, apprendre et comprendre le sens de la déesse du soir et du démon de midi. La quenouille du diable et le fuseau de la Vierge sont indissociables sur le rouet cosmique.

    Les bâtisseurs du Moyen Âge et les sculpteurs de la Renaissance ont légué un puzzle de scènes dans l’ombre de la voûte et dans la lumière du chœur, scènes dont on ne peut comprendre le sens si on ne cherche pas à interpréter l’ensemble du décor et si on sépare le motif du lieu. L’analyse symbolique est complexe. En 1908, dans son monumental ouvrage « L’art religieux de la fin du Moyen Âge en France », Émile Mâle (1862-1954) soulignait : « Au XVe siècle comme au XIIIe siècle, il n’est pas une œuvre artistique qui ne s’explique par un livre. Les artistes n’inventent rien ; ils traduisent dans leur langue les idées des autres. Pour expliquer une œuvre d’art du XVe siècle, les fines remarques de l’amateur, ses vues les plus ingénieuses ne sauraient suffire. Il ne sert à rien d’essayer de deviner, il faut savoir. Il faut trouver le livre que l’artiste a eu sous les yeux, ou, tout au moins, si l’on ne peut nommer un livre, il faut faire comprendre de quel grand travail de la pensée religieuse son œuvre est sortie. La lecture des théologiens, des mystiques, des hagiographes, des sermonnaires, du XIVe au XVIe siècle était donc une des parties essentielles de notre tâche. Cette méthode quand il s’agit de l’art du moyen âge, est la seule qui puisse être féconde : on atteint ainsi jusqu’aux sources profondes de la vie morale du temps ». L’historien de l’art avait raison mais il convenait d’y associer la mythologie et le folklore, puis d’apprendre la langue d’Hermès, ce qui suppose d’identifier le symbole et de l’articuler avec un ensemble. Le langage des bâtisseurs n’est ni désinvolte ni inintelligible. Il se réfère à une culture structurée et est un enseignement. Isoler une scène pour justifier une théorie, ce serait tronquer et trahir un schéma cohérent. L’historien de l’art ne peut faire abstraction de l’archéologie et de la mythologie dont les traces se prolongent dans les croyances populaires et le folklore. Isoler un élément, ce serait aussi négliger la comparaison et réduire le sujet à une catégorie, ainsi la représentation dans le porche sud de la chapelle Notre-Dame-du-Tertre à Chatelaudren (22) ne serait aux dires de certains qu’une personnification de la luxure ! Or, cette acrobate n’ouvre son sexe qu’au regard des seuls ignorants si envoûtés par le spectacle qu’ils en oublient de regarder autour, de suivre la chasse sculptée du porche qui métamorphose cette proie en une initiatrice matricielle tandis que les fresques intérieures offrent la perspective d’une divinité virginale associée à sainte Marguerite !

    L’originalité de la Bretagne est de posséder une amplitude historique et une multitude de sources. Il serait d’ailleurs plus judicieux d’évoquer une évolution des techniques et des formes depuis l’antiquité voire depuis la préhistoire qu’un changement structurel tant la symbolique s’inscrit dans un temps mythique. L’art d’aimer se décline à la fois dans les tracés du néolithique, dans la sculpture romane du XIIe siècle, sur les sablières du XVIe siècle, dans la légende grivoise et dans la chanson courtoise. Cet art dans les chapelles est hors du temps. Il ne relève pas uniquement d’une époque où les bâtisseurs illustraient davantage la connaissance que le savoir. Cet art est aussi étranger au dogme. Il n’appartient pas aux docteurs de la foi. Cet art est une manifestation sacrée, l’écho d’une civilisation où se conjuguent l’élan terrestre de la grande déesse honorée par le peuple des mégalithes et la flamme céleste des pasteurs indo-européens.

    La juxtaposition des symboles est en réalité une superposition et une conjugaison qui s’inscrivent dans une durée. Aux mélanges primitifs, succède le roman d’amour du XIIe siècle. La littérature courtoise et la pensée mystique puisent leur inspiration dans les sources de la mythologique celtique. La quête aventureuse du Graal bouleverse alors les codes chrétiens, pénètre dans les livres de pierre et les parchemins. La culture du moyen âge est janusienne, ce que Marie-Madeleine Davy a mis en évidence dans « Initiation à la symbolique romane » en 1977, l’année même où Alain Daniélou publiait « le temple hindou ». « L’amour de Dieu se suffit ; l’amour charnel peut se suffire. ce dernier n’est point d’ailleurs privé de signification : il s’exprime dans un ordre de beauté et de poésie. Défions-nous des esprits dévots qui risquent toujours de discerner des grimaces dans ce qui leur échappe ». (Marie-Madeleine Davy, « Initiation à la symbolique romane », éditions Flammarion 1 977)

    Il n’y a pas au Moyen Âge une opposition absolue entre le sacré et le profane. La séparation qui va apparaître et s’accentuer au cours des siècles ultérieurs pour culminer à partir du XVIIIe siècle introduit l’idée d’une dualité entre la chair et l’esprit. De cette distinction naquit une confusion intellectuelle et spirituelle où la honte, la violence et la dévotion prévalurent sur la beauté, l’équilibre et la connaissance.

    En modifiant sa façon de pensée et sa manière de se comporter, l’homme a refermé la porte du temple intérieur. Il a nié la chair ou déifié l’esprit et vice-versa, se réfugiant dans les extrêmes de la concupiscence et de la mortification, de la pulsion et de la raison. Le paradoxe du cul-bénit, qui dévoie le profane et le sacré, était né. C’est donc à un va-et-vient entre la préhistoire et les temps modernes, à des retrouvailles et des épousailles que cet ouvrage invite le lecteur et le promeneur, retrouvailles avec la chair et avec l’esprit, pour réapprendre l’amour dans les chapelles et dans les corps, pour bénir le cul et pour affranchir l’âme de l’esprit pompeux.