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Bernard Rio - Page 14

  • Chronique de Michel Cazenave

    PARDONS ET PELERINAGES EN BRETAGNE.

     

    Par Michel Cazenave.

     

     

    Lorsqu’on lit soigneusement les pages de Bernard Rio, on s’aperçoit comme, ainsi que dans tous les pays à population majoritairement celtique d’origine, la Bretagne a conservé d’antiques mythologies « baptisées » pour les besoins de la cause. Se rappelle-t-on ainsi que, vers la fin de la Renaissance, le Vatican considérait toujours la France comme un « pays de mission » ( contrairement à ce que l’on croit d’habitude, il n’aura pas fallu attendre le début du XIX° siècle pour cela…), tant les paysans y avaient gardé de très anciennes coutumes ? Et, lors du procès de Jeanne d’Arc, on se dit que, de leur point de vue, ses interrogateurs n’avaient peut-être pas si tort de lui poser des questions sur ses jeunes habitudes, lorsque, avec les filles de son village, elle se rendait dans la forêt pour accrocher des guirlandes aux branches des arbres. (Je dis bien : « de leur point de vue », puisque, très honnêtement, une telle façon de faire ne me gêne en rien !).

     

    Or, à parcourir le livre qui vient de paraître, on s’aperçoit comme les Bretons (en ont-ils eux-mêmes toujours conscience ?), sacrifient largement à de telles manières de se comporter lorsqu’ils participent à des pèlerinages ou à ce qu’ils dénomment des « pardons ».

     

    Sait-on par exemple que sainte Anne d’Auray a pris la place de la vieille Déesse mère des Celtes ? Et que nous sommes ainsi plus ou moins renvoyés à ce qu’un spécialiste, voici déjà quelques années, appelait le « matriarcat psychologique » des Bretons ? L’Eglise catholique, elle, ne s’y était pas trompée, et, comme l’écrit Bernard Rio, « Le dernier pardon célébré par Mgr François-Mathurin Gourvès, évêque de Vannes, demeurait (…) le point d’orgue de l’année liturgique. La foule était toutefois moins nombreuse que le 26 juillet 1625 - le premier pardon qui fut célébré en l’absence de l’évêque de Vannes. Ce jour-là, les capucins d’Auray soutirèrent à Mgr Sébastien de Rosmadec la permission d’officier à Keranna, paroisse de Pluneret, là où un paysan, Yves Nicolazic (1591-1645), avait découvert la statue de sainte Anne. Un an plus tard, le recteur de Pluneret demeurait hostile à la découverte miraculeuse, tout comme l’évêque qui finit néanmoins par comprendre tout l’intérêt spirituel et matériel de canaliser l’engouement populaire et d’instruire ces masses si promptes à croire. Le 26 juillet 1626, il y eut 100 000 pèlerins dans les champs…Sainte-Anne-d’Auray devint alors le plus illustre des pardons de Bretagne ! »

     

    Se souvient-on, dans les textes gaéliques, comme saint Patrick, l’évangélisateur de l’Irlande, fit nombre de concessions aux croyances qui l’avaient précédé ? Et, si l’on considère un poème comme La vieille femme de Beare, d’abord dédié à l’un des visages de la Déesse éponyme des cinq royaumes insulaires, comme il a été facile de le convertir en une longue réflexion chrétienne… du moment que celle qui était censée l’avoir composé, était devenue une vieille pénitente que les atteintes du monde ne touchaient plus !

     

    D’ailleurs, lorsqu’il parle des « baignades et cavalcades solsticiales » (ne sommes-nous pas ici en pleine mythologie ?), l’auteur ne peut cacher que « Cette tradition perdue (celle de l’île saint-Gildas), me procura un fil conducteur symbolique (qui permettait de relier différents pardons dont il vient de faire la relation). L’offrande du pain s’avérait le point commun entre les chiens et les chevaux. Ces animaux chtoniens fréquentaient les mondes d’en haut et d’en bas, allaient et venaient de la saison noire à la saison blanche. Le pardon des chiens en hiver à la chapelle Saint-Gildas à Laniscat, le pardon des chevaux en été à Penvénan (sur l’île…). La fontaine servait de porte spatio-temporelle pour ces messagers de l’Autre Monde. Le rite de fécondité se doublait d’un rite de protection. »

     

    Et, quand il évoque dans un chapitre les « saints faiseurs de pluie », il lui est impossible de ne pas terminer par quelques paragraphes intitulés « Religion et magie » - de la même façon qu’il met fin à son étude par des considérations « générales » qui débutent par ces lignes : « L’éternité et l’universalité du pardon sont dans la pensée mythique qui transcende son histoire. A Plouvenez-Moëdec, sainte Yuna proclame l’avènement de l’aurore dont elle est l’image signifiée et signifiante. Le pardon révèle à chaque échéance annuelle ce rapport sacré entre la terre et le ciel, subordonné à la responsabilité individuelle et collective, humaine et divine…). »

     

    Où l’on retrouve certaines des plus vieilles pensées (mais ce n’est pas moi qui viendrai m’en plaindre !), sur le caractère cyclique du temps, sur la coopération nécessaire des hommes avec le Divin et sur la liaison intrinsèque de ce dernier avec la lumière qui s’en vient éclairer le monde…

     

    Donc, un livre à lire au plus vite, en se gorgeant de toutes les références idoines!

     

     

    Bernard Rio : Sur les chemins des pardons et pèlerinages en Bretagne, Ed. Le Passeur, 360p.,21€.

  • Les chemins d'une Bretagne intérieure

    Les chemins d’une Bretagne intérieure

    avant-propos du livre 

    Sur les chemins des pardons et pèlerinages en Bretagne, éditions Le Passeur, avril 2015

    Bernard Riocouverture pardons-pelerinages.jpg

    Il y avait foule à Lorient. Un samedi soir d’août, à la fin des années quatre-vingts, c’était fête et foire dans les rues du port, un mélange des genres urbains et touristiques. Il y avait là le Breton du coin et son cousin de Paris, l’estivant d’ailleurs et le frère d’Écosse.

    C’était bruit et chahut sur le bahut du bord. Un ami normand que j’avais entraîné au Festival interceltique de Lorient me dit tout de go au milieu de la foule animée : « Pourquoi ne me montres-tu pas un pardon breton ? »

    Qu’à cela ne tienne, nous partîmes le lendemain, dos à la mer, à l’intérieur des terres et nous nous retrouvâmes devant une chapelle de l’arrière-pays. Le chapiteau était dressé dans le placître où les dames crêpières s’affairaient déjà tandis que les cloches battaient le rappel des fidèles. Nous passâmes une grande parti  de la journée en ce lieu champêtre, propice au repos, à

    la méditation et à la communion. Quel contraste avec la fureur lorientaise ! Étonné par l’intergénération de cette fête mariant le profane et le sacré, l’ami Jean me confia que les Bretons avaient de la chance de conserver un tel patrimoine vivant. Il m’avait fallu ce regard extérieur pour voir l’évidence et comprendre une réalité qui m’avait échappé : le décalage entre un

    monde qui se donnait en spectacle et cet autre monde à l’écart des modes dont la permanence défiait les temps acoquinés de la raison et de la jouissance. Depuis lors, je n’ai jamais manqué une occasion d’assister à un pardon, que ce soit en Basse ou Haute-Bretagne.

    Si loin des clichés de cartes postales, le pardon ne cultive ni la nostalgie ni le folklore. Il faudrait réduire la Bretagne à cinq semaines d’été et à la bande côtière pour considérer le pardon comme une manifestation à voir. La réalité est différente. On ne regarde pas le pardon, on y vient et on y participe. Il serait vain d’imaginer le pèlerin sur le chemin de Saint-Jacques vêtu

    à la mode médiévale. Il en est de même en Bretagne, que ce soit dans la plupart des pardons, des troménies et plus encore du Tro Breiz. D’où viendrait donc cette vision surannée qui perdure dans les médias, y compris bretons ? Peut-être de l’écrivain Anatole Le Braz (1859‑1926) qui publia en 1894 Au pays des pardons 1, son deuxième best-seller après La Légende de la mort en Basse-Bretagne en 1893.

    Dans son panorama, il écarta d’emblée les pardons de Notre-Dame- de- Bon-Secoursà Guingamp et de Sainte-Anne-d’Auray.

    « Ils ont revêtu, depuis quelque temps, un caractère de cosmopolitisme religieux qui ne m’a pas permis de les faire entrer dans le cadre de ces études exclusivement bretonnes », écrivit-il pour se justifier. Ne trouvèrent grâce aux yeux de l’écrivain que le pardon des pauvres à Tréguier, le pardon des  chanteurs à Rumengol, la troménie de Saint-Ronan à Locronan et le pardon de la mer à Sainte-Anne-La-Palud. Il y ajouta, en 1898, le pardon du feu à Saint-Jean-du-Doigt et regretta de ne pouvoir y adjoindre le pardon de Saint-Servais où il était né le 2 avril 1859. Le pardon ayant été interdit en 1855 sur ordonnance épiscopale, Anatole Le Braz se contenta de rapporter les souvenirs de la vieille pèlerine Naïc en préambule à son ouvrage. Fidèle à son pré carré du nord Bretagne, Anatole Le Braz avait par ailleurs exclu de son propos les évêchés de Vannes, Saint-Malo, Rennes, Nantes, et réduit l’évêché de Saint-Brieuc au Trégor. Cette restriction géographique était énoncée par Anatole Le Braz dès la première ligne du livre : « Je n’ai pas à apprendre au lecteur que ce “pays des Pardons” où je voudrais le conduire, c’est la Bretagne, j’entends la Bretagne bretonnante. » Ses admirateurs ne durent pas être surpris car il avait déjà opté pour ce parti pris dans La Légende de la mort en Basse-Bretagne. Le lecteur retrouva dans Au pays des pardons une plume élégante et nostalgique.

    D’ailleurs, Anatole Le Braz proclamait « une absolue sincérité » dans le tableau qu’il dressait de ces pardons.

    « Mon voeu serait de les avoir évoqués tels qu’ils me sont apparus, dans leur beauté triste, avec les traits propres à chacun d’eux. Il m’a été donné de les voir au bon moment. Pour demain, leurs aspects se seront sans doute modifiés. Une  ransformation s’accomplit, de jour en jour plus profonde, dans les usages et dans les moeurs de la vieille péninsule. »

    Le choix et le style d’Anatole Le Braz sont révélateurs d’un état d’esprit et d’une époque où il était de bon ton de mélanger les genres – littérature, histoire, sociologie – et de poser pour l’éternité : « Que si l’âme fleurie des pardons de la Bretagne doit elle-même se faner un jour, écrit-il, puissent ceux qui, comme moi, l’ont aimée retrouver en ces humbles pages quelque

    chose de sa poésie et de son parfum. »

    Tout avait-il été dit sur le sujet ? Évidemment non. Le point de vue de cet écrivain demeure digne d’intérêt ethnologique bien que dénué de symbolisme. Anatole Le Braz était un ardent défenseur de la laïcité et de la République française. La Bretagne qu’il décrit est à l’opposé de ses convictions intellectuelles. Il y est sentimentalement attaché, mais il en est « radicalement », c’est-à- dire « moralement », éloigné. Bien qu’il s’en défendît, cet « homme de progrès » était étranger à l’âme bretonne qu’il perçut souvent prisonnière d’une fatalité historique et religieuse. Son moralisme est patent lorsqu’il substitue une histoire linéaire (nostalgie) et un positivisme (progrès) à la critique et à l’analyse herméneutique. Son discours méconnaît tout message spirituel et tout sens symbolique, enfermant le lecteur dans un « passé révolu ». En 1891, au pardon de Rumengol, il fait par exemple dire à son complice et chanteur Yann ar Minouz : « Les temps sont proches où c’en sera fini en Bretagne des belles gwerz aimées de nos pères et des sônes délicieuses qui, jusque sur la lèvre défleurie des aïeules, sonnent aussi gai qu’un

    oiseau de printemps. toutes ces choses sont près de mourir, et d’autres encore qui ont réjoui nos âmes. Les pardons, hélas ! les pardons eux-mêmes disparaîtront. »

    Plus d’un siècle après l’« état des lieux » pessimiste d’Anatole Le Braz, l’originalité et la pérennité des pardons de Bretagne suscitent encore des interrogations.

    Vu de l’extérieur de la Bretagne, le pardon est le signe d’une originalité culturelle et cultuelle. J’ai à mon tour pris le bâton de pèlerin et arpenté la Bretagne pour observer in situ les pardons, élargissant la petite sélection de 1894 à toute la Bretagne, n’ignorant ni les anciennes assemblées ni les versions modernes, ne privilégiant ni les grands ni les petits pardons. Anatole Le

    Braz regrettait de ne point avoir participé au pardon familial à Saint-Servais, je décidai donc me rendre à Hennebont, premier pardon de mon enfance, pour la première étape de mes pérégrinations, le dernier dimanche de septembre 2006.

    « Qui en connaît un les connaît tous », écrivit encore à tort Anatole Le Braz. Les pardons sont innombrables et tous singuliers. Ils excluent la banalité et l’idéologie du « progrès », ce qui ne signifie nullement qu’ils sont passéistes. Ils ne relèvent d’ailleurs pas de modes passagères, mais d’une actualité.

    Mon retour à Hennebont fut sans a priori. C’était jour de pardon. J’y vins et je vis autre chose qu’un souvenir. 

    Pardon d’enfance

    La croix en argent avait surgi du porche. Une croix étincelante dans la lumière blonde et oblique de l’après-midi. Elle avait jailli de l’ombre monumentale de la basilique. Du porche de style flamboyant sortirent une à une les bannières de la procession. En premier, l’oriflamme cramoisie du quartier Saint-Antoine suivi des couleurs de Saint-Gilles, de Kervignac, d’Inzinzac,

    de Branderion, de Lochrist, de Penquesten, de Saint-Caradec, de Notre-Dame-de-la-Joie…

    Cette année-là, les paroisses des alentours n’avaient pas manqué le grand pardon du Voeu à Hennebont. La bannière de Notre-Dame-de-la-Houssaye était même venue de Pontivy pour saluer sa consoeur Notre-Dame-de-Paradis. Tissée de fils d’or, la plus ostentatoire des bannières, l’oriflamme de Notre-Dame précédait la statue d’argent portée en majesté par six robustes paroissiens. Venaient ensuite le clergé et une foule d’hommes et de femmes. Croix en tête, la procession descendit la place pavée et buta sur les ganivelles de la fête foraine. Confrontation des mondes et illusion d’optique : la croix de procession

    s’inséra plein ciel entre les pylônes d’une machinerie multicolore supposée étourdir la jeunesse hennebontaise.

    Les pèlerins obliquèrent devant le « puits ferré » où nul citadin ne puisait plus son eau, et se détournèrent des sirènes hurlantes. Leurs psalmodies couvertes par les cris de la fête. Vade retro. Il y eut moins d’une heure de marche dans les rues désertes

    de la ville haute. Ma présence ce jour-là à Hennebont s’avérait signifiante. Ce ne pouvait être qu’ici, sur les bords du Blavet, que je devais entamer mon tour de Bretagne. Je revenais au point de départ.

    Circumambulation du corps et de l’esprit. Retour en arrière sur une pratique locale, familiale et collective. Recours à la mémoire pour recomposer un puzzle de rites : messes basses et solennelles, prônes, vêpres, processions, chapelets, fêtes populaires et repas de crêpes. Je ne ressentis pas d’opposition entre cette pérégrination dominicale et mes souvenirs d’enfance. Cependant cette « continuation » me sembla anachronique dans une cité que j’avais quittée à l’âge de raison.

    Le paysage de la Bretagne avait changé, les hommes aussi. Qu’en était-il de ma Bretagne intérieure ? Mes souvenirs et mes rêves se conformaient-ils au temps présent ? « Chanjet des en amzer, chanjet des e me spered 1 », me répondit une vieille chanson de ce pays. « Le temps a changé, il a changé dans mon esprit. »

    Je ne ressens toujours pas de contradiction entre l’enfant qui croyait en toute innocence et le quêteur pétri de doutes que je suis devenu. Je connais et j’accepte l’atavisme culturel qui me lie et me relie, mais qui, paradoxalement, ne m’oblige en rien. Je m’étais tôt affranchi des marchands du Temple et j’avais mis de la distance avec les donneurs de leçon qui prétendaient

    ne pas me laisser le choix.

    Il me semblait subsister dans le pardon – à la fois dans son histoire et dans sa nature – une forme de liberté que les pardonneurs avaient su préserver. C’était cette flamme-là que je venais inconsciemment retrouver. Quelques années plus tard, je suis revenu

    au grand pardon du Voeu, l’esprit plus curieux encore de décrypter ce mélange d’histoire et de merveilleux, d’anthropologie et de mythologie. Entre-temps, j’avais bouclé un premier tour de Bretagne, assisté à plusieurs dizaines de pardons, marché par tous les temps et confirmé que le pardon s’avérait un pot-pourri de libre arbitre et de bigoterie, de compassion et de passion, de

    piété et de débauche, un réservoir symbolique et un moteur mythologique. C’était la fête sacrée et profane où chacun apportait ses peines et ses joies, ouvrant une parenthèse dans l’année civile, renouant avec ce qui n’existait pas dans la société réglementée du travail, des retraites et des loisirs : un espace et un temps intérieurs. Je percevais sans pouvoir l’expliquer une

    double dimension tellurique et cosmique. La prégnance symbolique et le refus du conformisme inhérents au

    pardon signifiaient qu’il ne se réduisait pas à une imagerie folklorique et cléricale, qu’il était peut-être une récurrence d’un scénario mythique et la permanence d’une universalité humaine.

    Le pardon admet le paradoxe. Il l’induit même. C’est à Ernest Renan que je dois la première explication. Il y a dans ses  ouvenirs d’enfance et de jeunesse un écho de cet « indestructible pli » contracté pendant l’enfance :

    Cette cathédrale, chef-d’oeuvre de légèreté, fol essai pour réaliser en granit un idéal impossible, me faussa tout d’abord. Les longues heures que j’y passais ont été la cause de ma complète incapacité pratique. Ce paradoxe architectural a fait de moi un homme chimérique, disciple de saint Tudwal, de saint Iltud et de saint Cadoc, dans un siècle où l’enseignement de ces

    saints n’a plus aucune application. Quand j’allais à Guingamp, ville plus laïque, et où j’avais des parents dans la classe moyenne, j’éprouvais de l’ennui et de l’embarras. Là, je ne me plaisais qu’avec une pauvre servante, à qui je lisais des contes. J’aspirais à revenir à ma vieille ville sombre, écrasée par sa cathédrale, mais où l’on sentait vivre une forte protestation contre tout ce qui est plat et banal 1.

    En relisant ces souvenirs de Tréguier et de Guingamp, je mesurais l’incompréhension que ce libre-penseur suscita au sein d’une Église omniprésente en 1893, institution qui portait déjà les signes de son déclin spirituel et temporel. Ernest Renan soulevait le voile gris de l’histoire et retrouvait le palimpseste enluminé des origines claniques et migratrices. Saint Yves de Vérité lui avait offert la clairvoyance des choses anciennes et l’horreur pour « tout ce qui est plat et banal » dans un xixe siècle qui vit le  riomphe des uniformes : soutanes noires, tuniques bleues et blouses grises. Le xxe siècle prit le pli du précédent en mode accéléré, cherchant à  gommer les traces d’une culture archaïque et prônant l’abondance manufacturée.

    En ce début du xixe siècle, sur le parvis de la basilique d’Hennebont, revenu à ma ville natale, revenu à moi-même en compagnie de mes cousins pardonneurs, je cheminais en plein paradoxe. La procession avançait à pas comptés. Elle fit halte à chaque coin de rue comme si elle cherchait son souffle. Combien de temps encore le sinueux simulacre se perpétuera-t‑il ?

    La fête profane finira-t‑elle par prendre le pas sur la fête religieuse pour la diluer puis la dissoudre ? Il n’y eut aucun dialogue entre la foule qui processionnait et les badauds qui cédaient aux stridences des manèges sous les remparts de la ville close. Chacun dans sa file a esquivé l’autre, concédant à l’obéissance ou cédant à la tentation. Indifférence ou incompréhension ?

    Au pardon de Sainte-Anne-la-Palud où je m’étais également aventuré, une autre juxtaposition du sacré et du profane illustrait le mélange des genres entre les offices religieux. Les baraques foraines ne désemplissaient pas pendant les messes solennelles et la foule basculait d’un lieu à l’autre pour se vouer et se dévoyer alternativement. Le temps où les recteurs et leurs vicaires se plantaient devant les manèges pour dissuader par leur présence silencieuse et sentencieuse les pèlerins de se divertir, ce temps béni est dépassé. Les curés ne font plus la loi dans les villes et les campagnes. Ils n’en ont plus ni le pouvoir ni la volonté. Les réjouissances profanes n’étaient-elles pas indissociables du pardon breton ?

    Miracle à Hennebont

    L’erreur serait peut-être de dater le pardon du Voeu à mon enfance pré-soixante- huitarde. Le pardon du Voeu soulignait une permanence mariale de trois siècles, mais ne perpétuait-il pas une autre réalité, géographique et métaphysique, religieuse et communautaire ?

    Porter la statue de Notre-Dame- du-Voeu le dernier dimanche de septembre dans les rues d’Hennebont, c’était peut-être

    répéter et respecter une promesse ancestrale, la prière des Hennebontais qui se vouèrent à la Sainte Vierge en 1699 pour se prémunir de la peste et lui promirent une statue en argent. En septembre 1699, on compta 87 morts de la peste à Hennebont. Après le Voeu des Hennebontais, l’épidémie déclina : 34 décès en octobre, 20 en novembre, 15 en décembre… L’année

    suivante, la statue fut portée en procession dans la cité miraculeusement sauvée du péril bubonique.

    Le Voeu vaut un contrat entre les hommes et Dieu. Tant que les pardonneurs pérégrinent, la cité est préservée.

    En 1900, son couronnement en présence de plusieurs dizaines de milliers de pèlerins fut l’écho terrestre du sacre céleste de la Vierge Marie. La statue devint la représentation solennelle de la Madone.

    Mille ans après le second concile de Nicée, l’évêque de Vannes accréditait trois cents ans de piété populaire en consacrant lui aussi le culte des images ! Au fil du temps, le pardon du Voeu s’est conformé aux nouveaux usages civils. En 1928, la municipalité stipula que les bâtiments publics ne seraient plus décorés de tentures blanches ainsi que le voulait l’usage le jour du pardon.

    L’itinéraire de la procession immuable depuis deux siècles a ensuite été modifié après la destruction de la ville bombardée en 1944. Le cortège ne passe désormais plus dans la ville close. Aujourd’hui, connaît-on encore le miracle de 1699 ?

    Le pardon de Notre-Dame-du-Voeu est ce que les historiens des religions appellent un « pèlerinage urbain », par distinction avec la fête rurale et champêtre. Effectivement, la procession ne déborde pas du siège de l’ancienne sénéchaussée d’Hennebont. Au coeur de l’agglomération moderne, face à la mairie, la basilique, édifiée en dix ans, de 1514 à 1524, se situait hors de la ville close, sur la rive gauche, et à l’opposé de la motte féodale sur la rive droite du Blavet. Aller au pardon est une manière de se relier avec un lieu.

    Il m’importait à Hennebont de dépasser le miracle du Voeu pour appréhender un sanctuaire dont la fondation est antérieure au xvie siècle. M’interroger sur les causes et conditions du pardon du Voeu, c’est remonter le temps, chercher les éléments historiques, géographiques, mythologiques et symboliques qui fondent ses origines. Bien avant le voeu de 1699, il existait à Hennebont une chapelle primitive construite au bord d’un petit étang qu’alimentait une fontaine de dévotion, un lieu si agréable qu’il fut baptisé le « Paradis ». Les pèlerins s’y rendaient et se reposaient dans un bosquet à flanc de colline.

    Ce furent leurs offrandes, autant que les subsides de l’abbaye de l’abbaye cistercienne La Joie-Notre-Dame,qui financèrent les grands travaux du xviie siècle.

    Une chapelle, une fontaine, un étang, un bois… Le Paradis ?

    La situation de la basilique, à l’extérieur de la vieille ville et à flanc de colline, est hors du commun. Un édifice aussi imposant aurait dû dominer l’espace, à l’instar des sanctuaires marials Notre-Dame de Quelven, Notre-Dame-de-la-Tronchaye, Notre-Dame-du-Roncier, Notre-Dame- de-Rumengol… La dédicace à Notre-Dame-de-Paradis et l’emplacement de la basilique furent déterminés par l’ancien sanctuaire. L’architecte du xviie siècle ne pouvait pas envisager un autre lieu, car celui-ci avait valeur de lien.

    Aujourd’hui, il en va autrement. Malgré les vicissitudes du temps 1, la basilique reste le lieu sacré dont je repère le clocher en approchant d’Hennebont. Sa hauteur de 65,65 mètres le prédestine à être vu de loin, bien vu des pèlerins qui lui donne le salut avant la dernière heure de marche.

    À quatre kilomètres à l’ouest se trouve d’ailleurs la bien nommée « montagne du Salut ». L’usage y était de tirer son chapeau, de s’agenouiller et de se signer pour réciter une prière ou entonner un cantique. Le salut à Notre-Dame- de- Paradis est du même ordre que l’Ultreïa à Saint-Jacques-de-Compostelle. Pardonneurs bretons et jacquets partageaient le même rite sur le chemin d’un autre monde.

    Le renouveau du Tro Breiz qui passe par Hennebont remettra-t‑il à l’honneur l’antique coutume ? Tel n’est pas le cas des pèlerins qui assistent au pardon du Voeu et dont la pérégrination se limite désormais à quelques rues. Le dernier dimanche de septembre, la grande partie du centre-ville est occupée par les manèges forains et les cabanes à frites. L’observateur que je suis est en droit de s’interroger. Lequel exclut l’autre : celui qui prie ou celui qui se divertit ? Après son petit tour dans la ville, la procession, cousue d’or et d’argent, disparaît par où elle était apparue. Le porche à double baie semble cligner de l’oeil. Une

    seule des deux portes est ouverte pour aspirer le reflux des pèlerins. Les porteurs de croix et de bannières s’inclinent comme en allégeance avant d’entrer dans le sanctuaire. Le cortège s’effile dans le vaisseau de pierre. La lourde porte se referme pour les ultimes incantations du grand pardon de Notre-Dame du Voeu.

    Derrière la porte close, les pardonneurs prient sans craindre la fureur du dehors. Il reste une loge vide sur le trumeau central du

    porche, une place qu’occupait jadis une Vierge à l’Enfant. Qu’est-elle devenue ? Volée, mutilée, mise sous séquestre… ? L’office terminé, le soleil éclaire son absence. Le dernier dimanche de septembre 1, je suis revenu à Hennebont pour suivre la procession, pour entendre le Magnificat. Pendant leur marche lente, les pèlerins ont chanté des cantiques tristes d’amour, des airs graves pour se donner la cadence. Leurs voix se sont perdues dans les rues. Je me suis souvenu de mon enfance.

    Je me suis interrogé sur la généalogie du sanctuaire, supputant les avant-guerres, imaginant le lieu bucolique, un paradis au bord du Blavet.

    Parce que le monde s’emballe et se parjure par tout ce qui est plat et banal, je cherche encore, dans le pardon, les reliques d’un temps qui soit ni éphémère ni mercantile, la persistance d’une pensée originale, la substance d’une tradition vivante. William-Butler Yeats avait traduit mon état d’esprit en écrivant l’éloge des lieux enchantés de son enfance à Sligo :

    Les églises du Moyen Âge réussirent à s’assurer le service de tous les arts parce que les hommes comprenaient que lorsque l’imagination est appauvrie, une voix essentielle – d’aucuns diraient : la seule voix – en faveur de l’éveil du sage espoir, de la foi durable, et de la charité compréhensive, ne peut proférer que des paroles brisées, si elle ne tombe pas dans le silence 1.

    Ce silence menace-t‑il la Bretagne ? Un silence empreint de vulgarité et de mensonge si l’homme nie l’intelligence des choses, s’il s’égare en faussant ses traditions et son imagination.

    Le jour du grand pardon de Notre-Dame-de-Paradis à Hennebont, mon vagabondage imaginé dans les sanctuaires bretons s’est transformé en un pèlerinage dans le présent et à une immersion dans la mémoire d’un pays. Cette conjonction de l’actualité et de la tradition est une question philosophique récurrente. Dans ce pèlerinage que je fis, errant sans logique apparente d’un pardon à l’autre, je me suis surpris à réévaluer cette notion du temps pour finalement réincorporer le phénomène du pardon à une éternité et à une unité de l’être. Relire, relegere, et relier, religare : la double étymologie du mot « religion » suppose un devenir. Relire et relier le pardon à une dimension mythologique plutôt qu’historique, c’est assurément lui restituer tout son sens, pas seulement une signification sociologique, morale ou allégorique. Hier, aujourd’hui, demain, le sens du pardon profond demeure intérieur.

  • Agenda printemps 2015

    Conférences Rencontres Entretiens Signatures

    Samedi 9 mai 2015 : conférence signature "Le cul bénit et autres sujets" à 16 h à la librairie Pension Gloanec à Pont-Aven (29)

    Samedi 30 mai 2015 : signature de 10 h à 12 h "Pardons et pèlerinages en Bretagne" à la librairie La Procure à Vannes (56)

    Samedi 20 et dimanche 21 juin 2015 : salon du livre à Vannes (56)

    Jeudi 23 juillet 2015 : Maison des poètes à 17 h Saint-Malo (35)

    Samedi 10 août 2015 : La plage des Livres, organisation librairie Sillages à Ploemeur (56)

     

    A revoir l'émission du mardi 5 mai sur Tébésud

    http://www.tebesud.fr/?titre=idee-location--idee-gestion&mode=numEmission&id=81028#

  • Sur les chemins des pardons et des pèlerinages en Bretagne

    Parution le 17 avril 2015 aux éditions Le Passeur

    La Bretagne est le pays des Pardons. Depuis des temps immémoriaux, chaque année les hommes se rassemblent autour des milliers de chapelles qui maillent le paysage. Défiant les modes, ils y célèbrent des centaines de saints légendaires dotés de pouvoirs mystérieux et avec lesquels ils entretiennent des relations singulières. Davantage qu’un pèlerinage, le Pardon breton est une manifestation cultuelle et culturelle unique en Europe. Il mélange la fête religieuse et la foire profane. Les pardonneurs se prêtent à des rites anciens pardons-pelerinages.jpget à des pratiques ancestrales : triple circumambulation autour du sanctuaire, baiser des reliques, accolement des statues, ablution aux fontaines, embrasement des bûchers, oblations et offrandes, joutes et danses...

    La particularité du Pardon breton est de participer à une double culture - chrétienne et celtique - de se rattacher à un espace - la chapelle - et à un temps - la fête du saint - qui s’enracinent dans un passé à la fois historique et mythique.

    Au XXIe siècle, plusieurs milliers de pardons rassemblent des centaines de milliers de Bretons qui perpétuent et actualisent une tradition millénaire, ainsi aux pardons équestres s’est ajouté les pardons des motards  ou des tracteurs tandis que le pardon des surfeurs est une version contemporaine du pardon de la mer !

    Bernard Rio fréquente et étudie les Pardons de Bretagne depuis de longues années. Mettant ses pas dans ceux des saints bretons, il a propose un voyage extraordinaire de Locronan à Sainte-Anne d’Auray, sur les chemins des septs fondateurs du Tro Breiz, et dans une Bretagne intérieure où perdure, par exemple,  la tradition des anges pyrophores boutant le feu aux bûchers solsticiaux...

     
  • L'homme et la nature

    IMG_1385.JPGIMG_1387.JPGL'homme dans la nature" présenté mardi 17 mars au Musée de la Chasse et de la Nature, hôtel de Guénégaud, à Paris par Philippe Dulac, Renaud Denoix de Saint-Marc, président et vice-président de la Fondation de la Maison de la Chasse et de la Nature et Edouard-Alain-Bidault, président de la Fondation pour la Protection des Habitats de la faune Sauvage

    Couv_chasseurs_501x318_BDef.jpg

    Depuis 1983, La Fondation pour la Protection des Habitats de la Faune Sauvage acquiert, restaure et entretient des territoires remarquables. Plus de 220 sites sont gérés par les chasseurs de France, soit 5 600 hectares, répartis dans une soixantaine de départements. Ce livre rend hommage au travail des gestionnaires et des animateurs de ces milieux sauvages ou cultivés ainsi que d’anciens espaces industriels devenus des exemples de biodiversité. Il est aussi une invitation au voyage à travers la France. Qu’il s’agisse de landes, de tourbières, de marais ou de forêts, de montagne, de plaine ou du littoral… cet ouvrage met en valeur les merveilles du paysage et le travail des hommes. C’est une échappée verte de la baie de Somme aux Pyrénées, des rivages de l’Atlantique aux montagnes du Jura et des Alpes…

     
  • Renaissance du Tro Breiz

    La renaissance du grand pèlerinage de Bretagne

    20 février 18h30, Espace Ouest-France Rennes

    CONFERENCE-DEBAT

    Avec PHILIPPE ABJEAN
    Initiateur du nouveau Tro-Breiz

    et BERNARD RIO
    Auteur du Guide du Tro-Breiz

    Animé par Ronan Manuel,
    France Bleu Armorique
    dans le cadre de Sevenadur

    Tro Breiz

  • Les plus beaux trekkings d'Auvergne

    Le premier de l'année : les plus beaux trekkings d’Auvergne aux éditions Ouest-France

    La traversée de la Montagne bourbonnaise : le GR®3 de Bourbon-Lancy à Chabreloche - La traversée de l’Auvergne : le GR®4 dans les pas des géants - Le tour des lacs d’Auvergne : le GR®30 du puy de Sancy au lac d’Aydat - Le tour du Volcan cantalien : le GR®400 en boucle - Le chemin de saint Régis : le GR®430 du Puy-en-Velay à Saint-Bonnet-le-Froid - Sur les traces de Stevenson : le GR®70 entre Le Puy-en-Velay et Alès.couverture.jpg

    L’Auvergne est terre de contrastes et de reliefs. Des plaines de la Limagne au sommet du Puy de Sancy, le marcheur grimpe en altitude dans un paysage que l’homme n’a pas cessé d’apprivoiser et d’occuper. Ici,  une humanité paysanne et pastorale a cotoyé les rois gaulois et les moines bâtisseurs du moyen-âge. Le marcheur au long cours découvre la polyphonie auvergnate sur le GR4 qui traverse les plaines et les volcans du nord au sud. Il va d’est en ouest, fait le tour des volcans et des lacs, met ses pas dans ceux des géants, des saints et des aventuriers.  

    Le massif montagneux d’Auvergne est un somptueux écrin de nature. Gorges de la Sioule, Planèze de Saint-Flour, collines de Combraille, Monts de la Madeleine, Monts Dore et du Cantal, plateaux de la Margeride, d’Artense et du Cézallier... Sur six itinéraires d’exception et plus d’un millier de kilomètres balisés, l’Auvergne se vit en toute liberté, grandeur nature

  • Reportages

    Pour en savoir et voir plus sur "Le Guide du tro Breiz" , quelques liens parmi d'autres:
     
    http://bretagne.france3.fr/2014/05/05/tro-breiz-un-guide-pour-feter-ses-20-ans-471401.html
     
    Pour en savoir et voir plus sur "Le cul bénit : amour sacré et passions profanes " , préface de Michel Maffesoli, éditions Coop Breizh, quelques liens parmi d'autres:
    Les bonnes feuilles de Christopher Gérard :
    http://archaion.hautetfort.com/archive/2014/03/17/bernard-rio-explorateur-de-l-imaginaire-breton-5324967.html

    Le cul bénit dans http://trans-europa-medias-press.com/trans-europa-medias-beau-livre-le-cul-benit-liaisons-sacrees-et-passions-profanes/
    L'émission sur France 3 Bretagne Iroise le 15 avril : http://bretagne.france3.fr/emissions/jt-local-1920-iroise

    Le cul bénit dans l'émission de Tébésud diffusée le jeudi 27 février à 18 h 10

    http://www.tebesud.fr/?titre=la-complete-culture-et-loisirs&mode=numEmission&crit1=300&id=57950#.UxBPjmQrbHs.facebook

    l'émission de Laurent Ruquier sur Europe1 le 15 janvier

     

    L'article d'Hervé Queillé dans Le Télégramme du 19 février 2014

    http://www.letelegramme.fr/bretagne/patrimoine-le-sexe-et-les-chapelles-bretonnes-19-02-2014-10041955.php?fb_action_ids=680723951970609&fb_action_types=og.recommends&fb_source=aggregation&fb_aggregation_id=288381481237582

     

    La chronique d'Anne Bert du Salon Littéraire :  http://salon-litteraire.com/fr/beaux-livres/review/1859542-le-cul-benit

     

    L'article d'Agence Bretagne Pressehttp://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=32140

     

    L'émission de Ronan Manuel sur Radio Armorique samedi 18 janvier.http://www.francebleu.fr/culture/du-monde-au-balcon-livre/du-monde-au-balcon-l-actu-litteraire-7

     

    L'émission de Clément Soubigou, sur Radio Bleu Breizh Izelhttp://www.francebleu.fr/patrimoine/cultures-breizh/cultures-breizh-220#

     

    L'émission d'Olivier Le Clainche sur RBGhttp://www.radiobreizh.net/fr/episode.php?epid=9277

     

    Les bonnes feuilles de Christopher Gerard :

    http://archaion.hautetfort.com/archive/2014/03/17/bernard-rio-explorateur-de-l-imaginaire-breton-5324967.html

    La chronique d'Alix Bayart :

    http://www.unidivers.fr/cul-benit-amour-sacre-profane-bretagne-bernard-rio/
     
    Pour en savoir plus "Voyage dans l'au delà : les Bretons et la mort", préface Claude Lecouteux, éditions Ouest-France,  quelques liens parmi d'autres :
     
    L'émission thé ou café sur France2 
    Emission - THE OU CAFE - France 2
    the-ou-cafe.france2.fr
    THE OU CAFE
    Les bonnes feuilles de Christopher Gerard : http://archaion.hautetfort.com/archive/2014/03/17/bernard-rio-explorateur-de-l-imaginaire-breton-5324967.html
    La chronique de Michel Cazenave dans le Monde des religions
    www.lemondedesreligions.fr
    La chronique de Patrick Poivre d'Arvor dans Plume Magazin
    Plume N°67
    La chronique dans Histoire pour tous : http://www.histoire-pour-tous.fr/livres/182-beaux-livres/4737-voyage-dans-lau-dela-les-bretons-et-la-mort.html
    Les bonnes feuilles de Christopher Gerard :
    http://archaion.hautetfort.com/archive/2014/03/17/bernard-rio-explorateur-de-l-imaginaire-breton-5324967.html
     
     
     
    A propos de "Voyage dans l'au-delà : les Bretons et la mort"
    Le reportage et l'entretien en ligne sur France 3 Bretagne
    L’enfer breton est froid comme les landes - France 3 Bretagne
    bretagne.france3.fr
    Les bretons ont toujours entretenu une relation singulière avec la mort. Le livre "Voyage dans l’au-delà/Les Bretons et la mort" décortique les rites funéraires tels qu’ils étaient pratiqués jusqu’au 19ème siècle.

    Réécouter l'émission de Ronan Manuel avec Bernard Rio sur Radio Armorique samedi 18 janvier 2014...http://www.francebleu.fr/culture/du-monde-au-balcon-livre/du-monde-au-balcon-l-actu-litteraire-7

    Réécouter l'émission de Clément Soubihou sur Radio Bleu Breizh Izel sur "le cul bénit"
    France Bleu | Cultures Breizh
    www.francebleu.fr
    "Voyage dans l'au delà : les Bretons et la Mort" sur Radio Alpha le 10 octobre
    Diocèse de Rennes
    rennes.catholique.fr
    Site officiel de l'Eglise catholique en Ille-et-Vilaine, Rennes, official website of Ille-et-Vilaine's catholique church
    Ecouter ou réécouter l'émission enregistrée sur Radio bro gwened
    - Emission Megaphone : Les bretons et la mort
    www.radiobreizh.net
    Bernard Rio, auteur du livre « Voyage dans l'au-delà », nous parle des croyances et des rites liés à la mort en Bretagne. Intersignes, mel beniget, ankou, lavandières de la nuit, danse macabre, âmes errantes et revenantes...tant d'ima
     
    Entretien sur Baglis TV
    Rites et croyances mythologiques en Bretagne | Mythes Légendes Ame
    www.baglis.tv
    Bernard Rio est un chercheur, un commentateur, passionnant des liens qui unissent la Nature et le Patrimoine de Bretagne. Omniprésents, ces liens tant oraux qu’écrits, architecturaux ou immatériels surgissent à chaque coin de bois, sur chaque pla
    Le reportage sur tebesud consacré à "Voyage dans l'au-delà : les Bretons et la mort".
    TébéSud - vendredi 25 octobre 2013 - 18h00
    www.tebesud.fr
  • Guide du Tro Breiz

    Guide du Tro Breiz, Bernard Rio, Coop Breizh, mai 2014

    BD1597-COUVERTURE OK.pdf

     

    Le pélerinage aux sept saints de Bretagne, communément appelé le Tro-Breiz, remonte au moyen âge. Il relie les sept villes épiscopales de la Bretagne médiévale où sont honorés les saints fondateurs : Paul-Aurélien à Saint-Pol-de-Léon, Tugdual à Tréguier, Brieuc à Saint-Brieuc, Malo à Saint-Malo, Samson à Dol-de-Bretagne, Patern à Vannes, Corentin à Quimper. Depuis vingt ans, l’Association des Chemins du Tro-Breiz organise chaque été une marche annuelle suivie par plusieurs milliers de personnes. Désormais, ce guide permet à chacun de “faire son Tro-Breiz” seul, avec des amis ou en famille, et tout au long de l’année. Le guide du Tro-Breiz comprend 47 étapes.

    Chaque itinéraire est assorti d’une cartographie détaillée, d’un guide pratique et de notices culturelles pour découvrir le patrimoine qui jalonne le parcours. C’est le guide indispensable pour randonner sur les chemins de la Bretagne... pour partir à l’aventure dans le paysage et l’histoire.

  • Contrepoints

    Voyage dans l’au-delà

    Publié le 1 novembre 2013 dans HistoireLecture

    Bernard Rio, spécialiste des cultures indo-européennes, nous entraîne à travers les siècles et les millénaires pour explorer les rites chrétiens de la mort.

    Par René Le Honzec.

    Voyage-au-delaDes milliers de Français vont encore une fois, rituellement, envahir les autoroutes à péages et les voies à écotaxe différée à l’occasion des fêtes de la Toussaint (1ernovembre) et de la fête des Morts (2 novembre). Beaucoup en profiteront (mais de moins en moins) pour aller se recueillir sur les tombes de parents décorées de chrysanthèmes en promo dans les grandes surfaces. Peu sauront pourquoi, déchristianisation oblige et laïcité contraint. Fixée en 835 par le Pape Grégoire IV au 1ernovembre, la fête des Morts catholique chevauche les trois nuits de Samain, fête celtique par laquelle, pendant quelques jours, les hommes ont accès à l’Autre Monde.

    C’est tout le talent de Bernard Rio, journaliste, écrivain, spécialiste des cultures indo-européennes que de survoler siècles et millénaires pour décrypter les rites chrétiens d’aujourd’hui, plus ou moins catholiques, à la lueur de la tradition. « Les Morts instruisent les Vivants » écrivit Chateaubriand. « Il y a beaucoup à apprendre en écoutant et en étudiant les morts, tandis que nier l’Au-delà n’est pas s’en affranchir » poursuit l’auteur, qui «  s’élance sur les traces d’Anatole Le Braz auquel on doit La légende de la Mort chez les Bretons Armoricains, mais en faisant œuvre d’ethnologue et d’anthropologue, car il embrasse un très large panorama » précise Claude Lecouteux, professeur émérite à la Sorbonne dans son élogieuse préface.

    Pour autant, si ce livre est savant par sa teneur, il est passionnant en sa lecture, épicée de multiples exemples et anecdotes qui illustrent  tous les stades de la mort, depuis son annonce, ou plutôt ses annonces, jusqu’au retour des Âmes errantes. Les intersignes, avertissements, messages que l’Autre Monde adresse aux vivants qui étaient autrefois familiers et aisés à décrypter sont aujourd’hui inaudibles à une société qui achète Halloween à domicile et fait mourir ses vieux ailleurs. Pourtant, en 2004, le répondeur de Lisa M., à Lorient, enregistre le message de vœux d’anniversaire de sa sœur, décédée un an auparavant. Homme de terrain autant que de livre Bernard Rio a recueilli toutes sortes de confidences, visité et photographié les lieux de mémoire, depuis les chapelles jusqu’aux tombes de dévotion, comme la « tombe à la Fille » qui fait l’objet d’un culte suivi depuis la révolution ou « le chêne à la Vierge » serti de dizaines de statuettes votives. Il remonte jusqu’aux pieds sculptés du Petit-Mont en Arzon (56), 5000 ans avt J.-C., pour expliquer le culte de Saint Mélar et les amputations rituelles. « Le rituel funèbre observé depuis plusieurs siècles sur les tombes doit être réinterprété pour retrouver toute sa superbe symbolique. Il possède plus qu’une valeur historique. Il ouvre une voie spirituelle. » Ainsi le personnage de l’Hankou, valet de la Mort, est-il relié au dieu gaulois Ogmios, et le culte des Têtes, retrouvé dans les Mabinogion gallois, fait écho aux témoignages des historiens de l’Antiquité Posidanios d’Apamée et Polybe sur les Celtes.

    Ainsi le livre est-il aussi  fortement et rigoureusement structuré à l’image du squelette de la Mort dans les danses macabres moyenâgeuses des chapelles bretonnes : l’annonce de la Mort, la Mort, le culte des Morts, l’Au-delà.

    Mais il est aussi charnu de ses multiples chapitres et histoires qui laissent un goût de vivant : le chien de l’Enfer, la roue du temps, l’arbre des morts, la barque de nuit, les aboyeuses de Josselin, les lavandières de la nuit, la lanterne des morts, l’auto-stoppeuse fantôme, les Âmes des noyés, les Passeurs d’Âme, la charrette grinçante de l’Ankou… Le « meil béniget », le « Marteau bénit », utilisé pour hâter le trépas de l’agonisant souffrant était posé sur le sommet du crâne, au point correspondant à la grande fontanelle et le 7ème chakra, pour ouvrir symboliquement la boîte crânienne afin de délivrer l’Âme. Souvent relatées comme des légendes et superstitions, ces faits ou phénomènes vous frôlent encore aujourd’hui, à vous de ressentir le frisson de l’intersigne, comme le concierge du lycée de Pontivy qui côtoie le fantôme du moine défroqué du XVIIème siècle.

    L’auteur est aussi photographe de talent et l’ouvrage fourmille d’images belles et fascinantes. Qui illustrent superbement les propos parfois étonnants : ainsi, ces Âmes en attente qui apparaissent sous formes « d’orbes » grâce au numérique. Et si vous peinez à croire que nombre d’églises et de chapelles furent construites sur des critères telluriques, penchez-vous sur les photos p.110, les « pierres des morts ». Endroit spécifique de l’édifice pour faciliter le départ de l’Âme du défunt. J’ai personnellement, en ma paroisse, détecté le réseau tellurique et constaté son utilisation pour ordonner la chapelle de Locmaria sur ses axes principaux. Oui, la « Pierre des morts », dallage particulier, matérialisait le vortex reliant par un tourbillon d’énergie les niveaux telluriques et célestes. Le défunt placé à cet endroit, le prêtre officiant à partir du vortex placé au pied de l’autel (en réalité, l’inverse : l’autel est placé devant le vortex), pouvait utiliser ce puits d’énergie comme un courant ascensionnel pour expédier l’Âme du Mort de bas en haut, au-delà du ciel, dans le cosmos.

    L’Église a oublié tout cela et renié beaucoup de ces rituels ; elle ne sait plus construire des lieux où souffle l’esprit.

    La mort n’est pas une légende. Le fantôme n’est pas un fantôme. La hantise demeure. L’Âme veille et anime l’homme intérieur tandis que le spectacle agite le monde. Au XXIème siècle, le passage de l’Au-delà reste ouvert, dans un sens comme dans l’autre. Bernard Rio n’hésite pas à convoquer au tribunal des Âmes Descartes, Saint Augustin, Einstein, Newton, Kant, le Pseudo-Denis l’Aéropagyte, Mircea Eliade, Chateaubriand, Flaubert, Arnold Van Gennep ou Ogmios. Je vous convoque aussi, amis libéraux-libertaire de l’ancienne Gaule Celtique devenue France devant cet ouvrage pour y trouver des réponses au spirituel, nous qui nous en posons tant au temporel économique sans pouvoir toujours y répondre…

    — Bernard Rio, Voyage dans l’Au-delà, Les Bretons et la mort, Éditions Ouest-France, septembre 2013, 287 pages.