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Bernard Rio - Page 15

  • Bernard Rio Chronique

    Chaleureuse Scandinavie

    Le Télégramme 14 janvier 2013

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    Froid, le GrandNord? Ennuyeuse, la nature? Pas après avoir lu - dévoré - et «flashé» sur la chaleureuse beauté des photos du splendide ouvrage(*) du photographe Jean-Claude Meslé, sur des textes du Morbihannais Bernard Rio.

    Clivre est rare, à plus d'un titre. Tout d'abord, les photos, numériques certes, ne sont ni recadrées, ni retravaillées. Tout se fait donc à la prise de vue. Par ailleurs, son auteur, parti sur les traces des oiseaux migrateurs et autres animaux qui peuplent le désert blanc de la Scandinavie, ne s'est pas contenté des spots photo bien connus et organisés par des agences spécialisées(200 € la place pour une quinzaine de photographes en moyenne). 

    À l'affût par - 30 ° 

    Jean-Claude Meslé, a passé trois années de suite, trois mois dans les solitudes glacées de la Scandinavie, de la nuit polaire au coeur de l'été selon Bernard Rio, qui l'a rejoint à la belle saison. «Je suis ébahi par ce travail. Quand je pense que Jean-Claude a passé des nuits entières à l'affût, par - 30°, sans savoir à coup sûr s'il verrait des animaux et quelle serait la luminosité!». Ceci dit, le photographe ne partait pas à l'aveuglette. Son intelligence du paysage, nourrie de plusieurs voyages, sa parfaite connaissance du biotope et des espèces migratoires lui ont permis de ne pas revenir bredouille à son campement à la frontière russe et de réaliser d'exceptionnels clichés. Des clichés pas cliché, souligne Bernard Rio, car «ce parti pris a permis de prendre sur le vif et dans l'intimité des espèces moins connues du grand public mais pourtant emblématiques». 

    Rapports de non-propriété 

    Quant à Bernard Rio qui a travaillé, bien au chaud, sur les carnets de notes de son ami, il a souhaité apporter une dimension culturelle, au-delà de l'émotion et de la beauté à l'état brut:«Je suis un grand amateur de littérature nordique. Notamment de l'oeuvre romanesque et des carnets du Norvégien Knut Hamsun, prix Nobel de littérature en 1920. Cette littérature reflète idéalement les rapports que les Scandinaves et les Lapons entretiennent avec la nature. En l'occurrence, des rapports de non-propriété. Car s'ils viennent y pêcher ou y chasser, c'est un partage, pas une appropriation. Ce statut juridique date de l'époque viking. C'est en tout ce que j'ai essayé de faire partager et d'ajouter aux images, même si effectivement, celles-ci parlent d'elles-mêmes». Bref, le genre d'ouvrage qui vous donne des frissons de bonheur, à déguster dans la chaude intimité d'un bon feu de bois. 

    * «Au-delà du cercle arctique. Voyage en Scandinavie» (Rando Éditions). Pratique Bernard Rio sera présent les 18, 19 et 20janvier au festival Itinérances, à Allaire (56).

    • Hervé Queillé
  • Bernard Rio Chronique

    Chaleureuse Scandinavie

    Le Télégramme 14 janvier 2013

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    Froid, le GrandNord? Ennuyeuse, la nature? Pas après avoir lu - dévoré - et «flashé» sur la chaleureuse beauté des photos du splendide ouvrage(*) du photographe Jean-Claude Meslé, sur des textes du Morbihannais Bernard Rio.

    Clivre est rare, à plus d'un titre. Tout d'abord, les photos, numériques certes, ne sont ni recadrées, ni retravaillées. Tout se fait donc à la prise de vue. Par ailleurs, son auteur, parti sur les traces des oiseaux migrateurs et autres animaux qui peuplent le désert blanc de la Scandinavie, ne s'est pas contenté des spots photo bien connus et organisés par des agences spécialisées(200 € la place pour une quinzaine de photographes en moyenne). 

    À l'affût par - 30 ° 

    Jean-Claude Meslé, a passé trois années de suite, trois mois dans les solitudes glacées de la Scandinavie, de la nuit polaire au coeur de l'été selon Bernard Rio, qui l'a rejoint à la belle saison. «Je suis ébahi par ce travail. Quand je pense que Jean-Claude a passé des nuits entières à l'affût, par - 30°, sans savoir à coup sûr s'il verrait des animaux et quelle serait la luminosité!». Ceci dit, le photographe ne partait pas à l'aveuglette. Son intelligence du paysage, nourrie de plusieurs voyages, sa parfaite connaissance du biotope et des espèces migratoires lui ont permis de ne pas revenir bredouille à son campement à la frontière russe et de réaliser d'exceptionnels clichés. Des clichés pas cliché, souligne Bernard Rio, car «ce parti pris a permis de prendre sur le vif et dans l'intimité des espèces moins connues du grand public mais pourtant emblématiques». 

    Rapports de non-propriété 

    Quant à Bernard Rio qui a travaillé, bien au chaud, sur les carnets de notes de son ami, il a souhaité apporter une dimension culturelle, au-delà de l'émotion et de la beauté à l'état brut:«Je suis un grand amateur de littérature nordique. Notamment de l'oeuvre romanesque et des carnets du Norvégien Knut Hamsun, prix Nobel de littérature en 1920. Cette littérature reflète idéalement les rapports que les Scandinaves et les Lapons entretiennent avec la nature. En l'occurrence, des rapports de non-propriété. Car s'ils viennent y pêcher ou y chasser, c'est un partage, pas une appropriation. Ce statut juridique date de l'époque viking. C'est en tout ce que j'ai essayé de faire partager et d'ajouter aux images, même si effectivement, celles-ci parlent d'elles-mêmes». Bref, le genre d'ouvrage qui vous donne des frissons de bonheur, à déguster dans la chaude intimité d'un bon feu de bois. 

    * «Au-delà du cercle arctique. Voyage en Scandinavie» (Rando Éditions). Pratique Bernard Rio sera présent les 18, 19 et 20janvier au festival Itinérances, à Allaire (56).

    • Hervé Queillé
  • au delà du cercle arctique

    sortie le 10 septembre 2012 de l'album "au delà du cercle arctique", texte de Bernard Rio avec les photographies de Jean-Claude Meslé, publié chez Rando Editions;

    Présentation le samedi 22 septembre 2012, festival du livre au bord de loire, Paimboeuf, stand de la librairie coiffard, à partir de 10 heures.couverture1.jpgcouverture2.jpg

  • Du Mont Saint-Michel à l'Adour

    Balades nature

    Découvrir des milieux naturels par la promenade, tel est l’objectif de ce guide de randonnée naturaliste.  Observer et comprendre le patrimoine naturel en empruntant des sentiers tracés et commentés par les meilleurs connaisseurs de ces zones humides : ceux-là même qui gèrent ces milieux exceptionnels dans un souci de biodiversité. 

    L’originalité de ce guide est de proposer des circuits hors des chemins battus et souvent inédits sur le thème de l’eau qu’elle soit douce, salée ou saumâtre. Le premier enseignement de ce guide destiné à tous les amoureux de la nature, qu’ils soient grands ou petits, parents ou enseignants, gestionnaires ou contemplatifs, c’est qu’il n’existe pas deux milieux identiques. 

    Aber à Crozon, Loch à Guidel, Estran et rivière maritime à Vannes, Estuaire  à Lavau-sur-Loire et à Mortagne sur Gironde, île et prairie humide  à Angers, Lac à Grand-Lieu, Tourbières à Glomel et Brasparts, Landes humides à Glomel, étang et rivages lacustres à Saint-Martin-de-Seignanx, Marais littoral à Guissény, Marais arrière-littoral à Châtauneuf-d’-Ille-et-Vilaine, à Braud et Saint-Louis, et à Saint-Just-Lizac, Forêts humides dans l’estuaire dans l’estuaire du Trieux à Plourivo et dans les Landes à Sainte-Eulalie-en-Born, cordons dunaires à Cancale et au Verdon-sur-Mer...  A chaque milieu  mais aussi à chaque saison correspondent une flore et une faune singulières. 

    Chaque itinéraire détaillé avec précision est assorti d’une cartographie, d’un guide pratique et d’un lexique. Du Mont-Saint-Michel jusqu’au piémont pyrénéen, ce guide   sur les territoires de la Fondation pour la Protection des Habitats de la Faune Sauvage et du Conservatoire du Littoralest une invitation à la balade, par landes et par vaux, du nord au sud, sur la côte et dans l’arrière-pays. Botanique, géologie, ornithologie...  Le promeneur apprend en marchant, sans jamais oublier l’histoire des hommes qui ont fait le paysage et le travail de ceux qui le sauvegardent aujourd’hui pour notre plus grand bonheur… Une initiation à la nature poposée aux curieux !

    format 12 x 19 cm, broché, 160 pages

    Rando-éditions  ISBN : 978-2-84182-489-9

  • Golfe du Morbihan

    Couleurs locales

    Pour s’imprégner de l’esprit des lieux, des teintes et des reflets du paysage, des activités des hommes, des multiples visages du patrimoine bâti. Pour goûter aux saveurs et se délecter des gourmandises produites ici, pour visiter les hauts lieux, se glisser dans des intervalles plus intimes, pour comprendre à grands traits l’architecture, l’habitat et les espaces agricoles et maritimes. Pour quelques incursions dans l’histoire et dans les histoires.

    Pour découvrir par la marche à pied ce à quoi l’on accède que pas à pas : la beauté d’un pays, au-delà des apparences, à une allure où tous les sens du visiteur sont en éveil. Pour quelques bribes de déologie, de faune, de flore. Pour convenir des singularités si remarquables du golfe du Morbihan, proposé en cinq secteurs : Vannes (porte historique du golfe); entre Séné et Surzur (retour à l’agriculture) ; la presqu’île de Rhuys (entre les mers); autour de l’île aux Moines (le golfe au coeur); la rivière d’Auray (de la pierre à la mer). Il y en a pour tous les goûts et tous les jours, qu’il fasse soleil ou bien qu’il pleuve, que l’on délaisse son véhicule ou que l’on aille juste de l’autre côté du cadre...

    Rando-éditions  ISBN : 978-2-84182-4373

  • De la Loire à la Gironde, entre terre et mer

    De l’embouchure de la Loire, le plus long fleuve de France, à celle de la Gironde, le plus grand estuaire d’Europe, les sentiers du littoral sont jalonnés d’histoires naturelles et humaines. Atmosphères de marais salants foulés par les pieds nus des sauniers ; mémoires de rivages où la mer a souvent reculé, laissant la terre et l’eau s’entrelacer comme rareremtn ailleurs ; poésie de paysages baignés par la tiédeur des courants marins ; ambianves de pêches et de pêcheries, sorte de moustiques géants tournés vers l’océan, symboles d’un monde entre terre et mer. d’autres histoires, plus inattendues, sont à lire au fil de ce guide ou à vivre en chemin...

    Dakota éditions  ISBN : 978 2 84640 349 8  mai 2012

  • Note2

     

     

  • Bretagne secrète de A à Z

    Présentation

    Bretagne. Le mot franchit instantanément les frontières. Lâchez-le autour de vous : le résultat est gagné d’avance.
    Alors, Bretagne secrète ! Dès lors, l’imagination galope… À chacun son menhir, son dolmen, sa baie des Trépassés, les fantômes des Templiers, les fées de la forêt Brocéliande, l’ombre du roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde, le cœur de la duchesse Anne qui bat chez tous les Bretons depuis 500 ans !
    Qui se cache derrière la redoutable Marion du Faouët ? Pourquoi l’alignement des pierres levées à  Carnac ? Pourquoi autant de « rochers du Diable » ? La ville d’Ys ressurgira-t-elle un jour de la baie de Douarnenez ? Qui étaient les sept saints fondateurs de la Bretagne ?… Ils ont donné leur nom au pèlerinage annuel qui relie les évêchés entre eux, de Quimper à Saint-Malo. On l’appelle : le Tro Breizh. Le Tour de Bretagne.

    Un autre tour de Bretagne, revisité par l’œil d’un spécialiste, s’impose pour décrypter la magie et les sortilèges de la vieille terre d’Armorique… 

    Par ce dictionnaire insolite, quatre millions de Bretons, sur les cinq départements, y découvriront leur patrimoine historique et culturel. Et quatre millions de touristes par an y apprendront ce qui fait de cette   « fin de Terre » au caractère bien trempé, un Éden providentiel.

    Editions du Rocher 2011 ISBN : 978-2-268-07142-8

  • Mystères de Bretagne

    Présentation

    Bernard Rio est un arpenteur de la Bretagne. Au fil des balades, il raconte ses lieux mystérieux et insolites, ouvre la porte d’un monde surnaturel, peuplé de revenants et de diables, de dames blanches et de sirènes, de korrigans et de fées, d chevaliers errants et de moines maudits, un monde de cités englouties, de châteaux hantés et de forêts enchantées... La mort et l’amour se côtoient et se mêlent dans des légendes dont la Bretagne conserve les traces dans son histoire, son paysage et son architecture. On y croise l’Ankou qui erre à la recherche d ses victimes; on se désaltère à des fontaines habitées de sirènes; on se penche sur le gouffre d’Ahès, sépulcre des amants de la belle Dahut; à la nuit tombée on peut apercevoir des revenants qui s’aiment hanter les ruines du château de Rustefan; c’est à l’aube que l’on surprend les dames blanches qui veillent sur les marais; en parcourant les sous-bois des îles enchantés on entend encore le murmure des amoureux; en franchissant le pont du diable on est à peu près sûr qu’il a été construit au bénéfice d’un saint, et en arrivant à la pointe du Raz il n’est pas rare de rencontrer les âmes errantes attendant l passeur du bag-noz pour embarquer vers l’autre monde...

    Autant de lieux, autant de légendes et de promenades à découvrir . Intro

     

    Editions Le Télégramme 2009  ISBN : 978-2-84833-218-5


     

    Danse avec l’Ankou 

     

    Le diable a mauvaise réputation mais bon goût, et je me réjouis à l’idée de mettre mes pas dans les siens en Bretagne, car jamais je n’ai été déçu du spectacle que la nature m’offrait aux Roches du Diable entre Locunolé et Guilligomac’h, assis sur sa chaise à Sulniac, traversant ses ponts à Barbechat, Batz-sur-Mer, Belz, Plouguerneau… Pour être juste, je dois associer l’Ankou, le coursier de la mort, et les sirènes ensorceleuses à cet hommage. Et pour être tout à fait honnête, à la suite du diable, de l’Ankou et des femmes serpentines, l’éloge concerne aussi la cohorte des saints ermites qui, fuyant la compagnie des hommes, préféraient discourir avec les animaux dans des lieux d’une sauvage beauté. La baie des Trépassés, le Yeun Ellez, le mortier de Glénac, les landes de Cojeoux, les alignements du Ménec, la hêtraie granitique du Huelgoat, la chênaie schisteuse de Gâvre, les ruines de Rustefan, les folies de Maximilien Siffait, les îles enchantées du duc de Retz, etc. Partout où le diable a livré combat, où l’Ankou a roulé à tombeau ouvert, où les sirènes ont charmé, où les saints ont cherché la sérénité, là est la beauté du monde et voilà qui change de l’ordinaire urbain.

    Arpenter les landes et les bois aux extrémités du jour, marcher sur les plages en hiver, patauger dans les marais qui débordent, c’est ma manière de pénétrer psychiquement les lieux dont j’aime le caractère abrupt. Celui qui ne fréquente que les chemins battus et les voies goudronnées au milieu de l’été ne me suivra pas en si mauvaise posture. Qu’il gagne son paradis artificiel et qu’il m’ignore, car je me satisfais des pierres qui roulent dans le chemin taluté de Malvran, des ronces et des orties qui défendent l’accès aux murs de Rustefan, des pluies et des vents qui blanchissent les côtes aux équinoxes. Je concède aisément à mon concitoyen affairé l’exclusivité du prochain téléphone « haute technologie » qui grille les neurones pour lui tourner le dos et tirer ma révérence, sans puce électronique, en mode manuel et aléatoire.

    Mon propos n’est pas de convaincre ou de convertir à la nécessité de s’éloigner des foules consommatrices, mais de jouir du monde et de se réjouir d’être. Mon choix des balades est subjectif, absolument imparfait, et sans relation entre la cause touristique et le fait légendaire. La forêt de Paimpont a d’ailleurs bien failli souffrir de ma vindicte tant la pacotille médiévale, qui s’y joue chaque été, dénature la réalité de la haute forêt. Mais, pourquoi aurais-je dû abandonner Brocéliande aux marchands du temple ? Je pense qu’il y a encore la matière et la manière pour l’innocent Galaad de se perdre entre l’étang des Forges et le jardin aux Moines. à lire Robert Wace (1090-1180) le racolage féerique ne date pas d’hier autour de l’abbaye de Paimpont :

    « Tant ont les conteurs conté

    Et les fableurs tant fablé

    Pour embellir leurs contes

    Qu’ils ont donné à tout

    Les apparences de la fable ».

    La fable de Brocéliande puise, à l’unisson du légendaire breton, à plusieurs sources : chrétiennes et médiévales, celtiques et antiques, préceltiques. Et en filigrane des lieux qui m’attirent, il y a l’histoire que je raccommode et que je raccorde à la mythologie. C’est l’histoire des origines, qui n’est pas ici issue de la Bible. C’est l’histoire des mythes occidentaux qui ont façonné l’imaginaire des hommes jusqu’à ce jour. Je partage avec Joseph Roth et Claudio Magris l’idée que les bistrots et les chapelles sont «les endroits d’abandon et de refuge qui nous aident à affronter l’existence et où l’on croise le caractère sacré du monde».   Les chapelles où l’homme se recueille et assemble les pièces de son puzzle métaphysique, le bistrot où il raconte et se raconte. Ces lieux ont relié le profane au sacré et l’homme à l’humanité.

    Il y a, en Bretagne, une tradition qui a empêché le clergé séculier de dormir pendant des lustres. Il y a une croyance qui s’est transmise et a survécu cahin-caha. Que signifie l’irruption des êtres de l’Autre Monde dans le monde des hommes sinon un partage de l’espace et la relativité du temps. Cette croyance aux fées, aux âmes errantes, aux revenants, aux korrigans a triomphé d’un christianisme culpabilisateur et se heurte désormais à une société laïque et dépressive. C’est avec incrédulité que le public du vingt et unième siècle peut aborder la légende. L’histoire est à dormir debout après qu’elle ait causé l’insomnie des braves recteurs d’autrefois. Le programme scolaire apprend en effet à raisonner et à ne plus rêver tandis que le programme télévisuel occupe le temps sans rien apprendre. Le remembrement des esprits est-il plus irréversible que l’arasement des talus ?

    En allant sur les lieux légendaires, en lisant les conteurs d’hier, je dois admettre que l’Autre Monde existe. Il est toujours présent, là où Elvire de Cerny, Emile Souvestre, Anatole Le Braz, Paul Sébillot, François Cadic ont vu et vécu, là où ils ont entendu et raconté des histoires à ne pas dormir du tout. Lorsqu’en 1912, Zacharie Le Rouzic rapporta l’incendie de la maison Le Bail à Plouharnel, il n’y avait aucune raison de ne pas le croire car chacun connaissait et avait pu vérifier les faits :

    « En 1909, la veuve Roussel de Kerivilenne, âgée alors de 82 ans, racontait que quelques années plus tôt en venant d’Erdeven dans une charrette avec son mari, elle avait vu, en arrivant en face de Rondossec, des flammes s’élever au-dessus de la maison Le Bail de Plouharnel. En un moment toute la maison flambait. Elle avait dit à son mari :

    - Presse donc ton cheval pour que nous allions aider à éteindre le feu.

    - Quel feu ? lui répondait-il.

    - Tu ne vois donc pas devant nous la maison qui brûle ?

    Elle lui a touché le bras, et instantanément il avait vu aussi l’incendie.

    En arrivant au bourg, ils ne comprenaient plus rien, il n’y avait pas la moindre trace d’incendie. Huit jours après exactement à la même heure le feu, le vrai, cette fois, avait consumé cette même maison ». Un événement semblable eut également lieu à Bohal en 1 884. La vision collective d’un incendie, sa transcription en 1906 puis sa réalisation en 1944 illustrent non un mystère mais une manière de voir, qui trouble aujourd’hui ceux qui ne voient et qui ne croient en rien. « Les habitants de Bohal virent, vers 1884, l’incendie d’un château en direction de Saint-Marcel. Nous voyions les flammes sortir par de grandes fenêtres. Six ou sept ans après, on apprit qu’un M. Philippe, de Nantes, faisait faire des fouilles pour y bâtir un château. Celui-ci s’est bâti et est bâti à l’endroit où nous avions vu l’incendie. Que signifie tout cela ? La suite des temps le dira peut-être ? » écrivait en 1906 l’abbé Gaspais, recteur de Bohal dans « La signifiance du château de M. Philippe ». Or c’est devant les Hardys-Béhelec, le château de M. Philippe, que commença la bataille du maquis de Saint-Marcel le 18 juin 1944… Le lendemain, soixante ans après la vision des habitants de Bohal, le château partait en fumée.

    Des histoires comme celles-là, il y en a plein le tiroir d’une armoire que personne n’ouvre plus, l’armoire à corniche remisée dans le garage car trop grande, trop haute, trop vieille, trop paysanne, trop majestueuse pour l’intérieur formaté des apprentis-robots câblés sur les chaînes satellites, gobant les fictions hollywoodiennes, ignorant l’endroit où ils sont et l’envers où ils n’iront pas.

    Mes balades à travers la Bretagne, au fil des jours et des pages, ressemblent à une longue digression historique. Chacune peut être l’occasion d’une réconciliation avec l’âme de ce pays si mal connu, si mal compris, si galvaudé par les marchands de faux souvenirs. 

    Ceux, qui marchent dans les vieux chemins de légende en levant la tête, retrouvent une allure commune aux pauvres et aux riches, aux gens des campagnes d’hier et d’aujourd’hui. Ceux, qui marchent en rêvant, trouvent la liberté en chemin. Ceux, qui rêvent en marchant, éprouvent le sentiment d’appartenir à un monde immuable. Ils avancent et ils s’accordent à une nature qui broie toute œuvre humaine. Pierres disjointes par les racines, mangées par les lierres et les fougères, enrobées de lichen et de mousse, que reste-il des forteresses de l’orgueil ? Démantelées, saccagées, abandonnées, oubliées, les ruines ne prétendent pas à l’éternité. Les esprits, qui hantent ces maisons ventées, attendent en vain comme l’Ankou qui rôde du côté de Saint-Servais, cherchant l’âme de celui qu’il n’a pas réussi à trouver depuis un méchant soir, dans les années soixante. Le docteur Edmond Rébillé, qui exerça dans le pays, a romancé la savoureuse mésaventure du conducteur : « Une nuit la Mort commande à l’Ankou d’aller cueillir une âme à Botilio, celle d’un grand, d’un très grand malade. Vous comprenez que si le malade n’avait été qu’un tout petit peu malade, ou même pas du tout, il serait pas mort. Voila l’Ankou qui part en deux-chevaux avec l’adresse sur un bout de papier. Seulement en ce temps-là il n’y avait presque pas de pancartes de signalisation dans la commune. Et puis il y avait aussi des galopins qui s’amusaient à les déplanter et à les replacer au hasard. ça, c’est des choses qu’on voit plus, de nos jours… Vous imaginez ça ? Toujours est-il que l’Ankou se perdit par les chemins boueux. Or il existe 93 écarts et lieux-dits à Botilio. L’Ankou tambourinait à toutes les portes pour obtenir le renseignement. Personne n’ouvrait ni ne répondait. Il tourna toute la nuit dans la commune, espérant découvrir par hasard la maison du mourant avec ses chandelles, ses voisins assemblés, ses enfants de choeur et son curé. Il ne la trouva jamais. On raconte que depuis cette nuit-là, l’Ankou circule sans fin sur les chemins de l’Argoat et de Botilio en particulier. Méfiez-vous si vous apercevez une vieille deux-chevaux qui hoquète, qui caquète, qui cliquète, qui enquête. Elle rackette. De temps en temps, le chauffeur simule une panne d’essence. Personne ne vient à son secours parce qu’il a une sale tête, une tête en os. C’est une sale maladie, la tête en os. Celui qui s’arrêterait pour rendre service à l’Ankou serait illico-presto capturé et emmené dans l’autre monde par des chemins qu’il n’est pas nécessaire de signaler, parce qu’on n’en revient jamais ».

    L’Ankou qui se perd dans le bocage, voilà qui était extraordinaire et qui serait désormais improbable avec «l’indispensable GPS» qui ordonne les conduites et interdit les déviances. Est-ce un hasard ou une coïncidence si c’est à Saint-Servais que l’Ankou a tourné en rond ? Car l’auteur de La Légende de la Mort, Anatole Le Braz y a vu le jour en 1 859, un siècle avant que le héros du livre faillisse à son aura. C’est aussi dans les parages que le diable mourut de froid. Le décès du plus célèbre SDF du monde eut lieu à la porte de la chapelle de Burthulet. Il faisait si froid que les ajoncs avaient gelé. Le diable avait joué de malchance. « Tant qu’il y aura des fleurs à fleurir, le diable ne sera pas le maître du monde », dit-on en Bretagne. Et c’est pour ne pas laisser un jour sans fleurs que l’ajonc enlumine l’hiver breton.

    À Burthulet, la légende est plus forte que la réalité. Mais le diable ne meurt jamais pour de bon et l’homme non plus. La mort, dit-on encore, est le milieu d’une vie. Mourir pour connaître la suite ! La danse macabre qui décore les chapelles de Plouha et de Kernascléden rappelle que personne, (princes et manants, sacristains et sacripants), n’échappe à la ronde. Mais, en ce pays qui préfère les exceptions à la règle générale, les jeux ne sont jamais faits d’avance. Ni le diable ni l’Ankou, ni dieu ni personne ne doivent jurer de rien. L’enfer est froid et, ainsi qu’il a été vu en 1 884 à Bohal, le passé comme le futur interfèrent avec le présent. Les esprits désenchantés prétendent que les temps ont changé. Erreur de jugement et prétention sans conséquence que cela. Ce n’est pas le temps qui passe mais les hommes. 

    La Bretagne n’est pas le pays de nulle part mais le pays du possible. Nul besoin de fermer les yeux pour aller voir ailleurs. L’Autre Monde est ici ou là, et ce n’est pas un mal.


    Articles de presse

     

    « Non content d’arpenter par tous les temps les landes, bois et plages de Bretagne, Bernard Rio la raconte et la photographie avec davantage que du talent : une exigeante passion. Le résultat ? Un séduisant album sur les légendes de Bretagne, le meilleur vade-mecum  pour le randonneur comme pour le rêveur en chambre. Bien sûr , avec Bernard Rio, nous quittons les chemins goudronnés pour nous enfoncer dans les taillis pleins d’orties et de ronces, nous crapahutons pour nous libérer. Dames blanches ou Morganes des lacs, des rivières et de l’océan, chapelles templières et fontaines guérisseuses, châteaux en ruines et cités englouties, arbres sacrés et tombes de chouans, Bernard Rio nous initie pas à pas à une Bretagne qui, malgré l’arasement des haies et le remembrement des esprits, conserve dans son paysage comme dans son architecture les traces de notre monde ». 

    Christopher Gerard

    Christopher Gerard - La NOuvelle evue d'Histoire  - Septembre 2009

     

    « Chapelles, arbres, menhirs, landes... Aucun lieu, aucun monument ne semblent inconnus à Bernard Rio, dans cette Bretagne intérieure qui recèle tant de signes et de traces de l’Autre Monde.

    C’est cette exploration un peu vagabonde qu’il nous fait partager, au fil des légendes, des croyances et des rites qui ont marqué notre région de leur empreinte. Pour autant, l’auteur ne donne pas dans le folklore : le chapitre assez sévère qu’il consacre à Brocéliande en est la preuve ! Un livre utile pour voyager à notre tour grâce aux pistes de visites et de lectures proposées à la fin de chaque chapitre...»


    Yves Loisel - Le Télégramme - Mai 2009

     

     

    « L'envers de la carte postale 

    Bernard Rio connaît mieux la Bretagne que quiconque ll y a consacré de nombreux ouvrages. Le dernier en date étant Mystères de Bretagne, balade au pays des légendes Bernard Rio y proposeune autre image de la région, loin des clichés de bigoudènes et de paysages grandioses battus par les vents. Il va à la rencontre des mythes populaires et du petit patrimoine perdu dans la campagne chapelles, fontaines, ruines de châteaux, forêts profondes, calvaires...

    Le premier chapitre est consacré à l'Ankou, le coursier de la mort. Bernard Rio exhume de vieilles histoires savoureuses sur ce personnage mythique, comme celle contee par le docteur Rébillé- l'Ankou erre en 2CV dans le village de Botilio à la recherche d'un vieil homme. Pour poursuivre sur ce thème, l'auteur invite à se promener dans des lieux symboliques comme la baie des Trépassés, le Yeun Ellez, la hêtraie granitique de Huelgoat .. Bernard Rio va aussi à la rencontre des lavandières, des korrigans, de Dahut, des dames blanches, des âmes errantes...». 

    Le Progrès de Cornouaille - Juin 2009

     

    « Rendez-vous avec l’étrange...

    Regardez, écoutez, laissez vous étonner, le mystère breton est au détour des chemins creux, niché dans une chapelle, un chaos rocheux, un vieux manoir Cet album érudit de Bernard Rio propose une relecture de notre paysage, à la rencontre de l'étrange et (parfois) de l'inexplicable...»

    Bretagne Magazine - Juillet 2009



  • Pardons de Bretagne

    Présentation

    La Bretagne est le pays des Pardons. Depuis des temps immémoriaux, chaque année les hommes se rassemblent autour des six mille chapelles qui maillent le paysage et la culture de la Bretagne. Défiant les modes, ils y célèbrent huit cent saints légendaires dotés de pouvoirs mystérieux et avec lesquels ils entretiennent de relations bien particulières.

    Davantage qu’un pèlerinage, le Pardon mélange la fête religieuse et la foire profane. Les pardonneurs se prêtent à des rites et à des pratiques que l’église a parfois mais en vain tenté d’interdire au cours des derniers siècles : triple circumambulation autour du santuaire, baiser des statuts et des reliques, ablution au fontaine, accolement de mégalithes, embrasement de bûchers, offrandes et invocations, chants et danses, jeux... Dans la Bretagne du XXIe siècle, plusieurs milliers de pardons rassemblent à la belle saison des centaines de milliers de Bretons qui perpétuent une tradition millénaire. La particularité du Pardon est de participer à une double culture - chrétienne et celtique - de se rattacher à un espace - la paroisse - et à un temps - la fête du saint - qui s’enracinent dans un passé à la fois mythique et historique.

    C’est un extraordinaire voyage, de sainte-Anne d’Auray à Locronan, que Bernard Rio a réalisé, cheminant avec les pèlerins du Tro Breizh, assistant au salut des bannières à Minihy-Tréguier, aux cavalcades des chevaux au pardon de Saint-Gildas, à la bénédiction des vaches à Carnac, à la descente de l’ange qui enflamme le bûcher de Notre-Dame de Quelven, à la Dérobée dansée à Moncontour... Un voyage étrange et merveilleux dans la Bretagne des Pardons. Intro

     

    Editions Le Télégramme 2007   ISBN : 978-2-84833-184-3



    Aux origines du Pardon

     

     

    La croix en argent surgit du porche. Une croix étincelante dans la lumière blonde et oblique de l’après-midi de septembre. Elle jaillit d’une ombre monumentale, une basilique abyssale. Son porche qu’on dit flamboyant ouvre sur un monde obscur d’où sortent une à une les bannières de la procession. Voici l’oriflamme cramoisie du quartier Saint-Antoine suivi des couleurs de Saint-Gilles, Kervignac, Inzinzac, Branderion, Lochrist, Penquesten, Saint-Caradec, Notre-Dame-de-la-Joie… Cette année encore, les paroisses des alentours n’ont pas manqué le Grand Pardon d’Hennebont. La bannière de Notre-Dame de la Houssaye est même venue de Pontivy pour saluer sa consœur du Vœu. 

    Tissée de fils d’or, la plus ostentatoire des bannières, l’orifamme de Notre-Dame du Voeu précède la statue d’argent portée en majesté par six robustes paroissiens. Viennent ensuite le clergé et une foule de quelques centaines d’hommes et de femmes. Croix en tête, la procession descend la place pavée et butte sur les ganivelles de la fête foraine. Confrontation des mondes et illusion d’optique : la croix de procession s’insère plein ciel entre les pylones d’une machinerie multicolore supposée étourdir l’adolescence hennebontaise. Minuscule désuétude et tentaculaire duperie. Les pèlerins ne parviendront pas jusqu’à la tour médiévale de Bro-Erec, ils virent devant le “puits ferré” où nul citadin ne puise plus son eau et se détournent des sirènes hurlantes. Leurs psalmodies couvertes par les cris de la fête. Va de retro. Moins d’une heure à marcher dans les rues désertes de la ville haute, à commémorer le Vœu de 1699, à me remémorer ce Pardon de mon enfance, à revenir au point de départ.

    Circumambulation du corps et de l’esprit. Retour en arrière sur une pratique locale, collective et familiale. Recours à la mémoire pour recomposer un puzzle de rites : messes basses et solennelles, prônes, vêpres, procession, chapelet, fête populaire et repas de crêpes. Je ne ressens pas d’opposition entre le Pardon de ce jour et mon souvenir d’enfance. Cependant cette continuation me semble anachronique dans un monde qui a tant bien que mal changé les hommes. “Chanjet des en amzer, chanjet des e me spered”, dit une vieille chanson de ce pays. “Le temps a changé, il a changé dans mon esprit”.

    Pourtant, je ne ressens pas de contradiction entre l’enfant qui croyait et le quêteur que je suis devenu. Je ne doutais pas et je ne renie pas le mystère qui m’a éloigné des marchands du temple. En avril 1883, Ernest Renan témoignait d’un semblable et « indestructible pli » contracté pendant son enfance à Tréguier. « Cette cathédrale, chef-d’œuvre de légèreté, fol essai pour réaliser en granit un idéal impossible, me faussa tout d’abord. Les longues heures que j’y passais ont été la cause de ma complète incapacité pratique. Ce paradoxe architectural a fait de moi un homme chimérique, disciple de saint Tudwal, de saint Iltud et de saint Cadoc, dans un siècle où l’enseignement de ces saints n’a plus aucune application. Quand j’allais à Guingamp, ville plus laïque, et où j’avais des parents dans la classe moyenne, j’éprouvais de l’ennui et de l’embarras. Là, je ne me plaisais qu’avec une pauvre servante, à qui je lisais des contes. J’aspirais à revenir à ma vieille ville sombre, écrasée par sa cathédrale, mais où l’on sentait vivre une forte protestation contre tout ce qui est plat et banal ». En relisant sans me lasser les souvenirs d’Ernest Renan, je mesure l’incompréhension que cet homme hors norme suscitait dans une église qui portait déjà les signes de son déclin spirituel et temporel. Le religieux Renan soulevait le voile gris de l’histoire et retrouvait le palimpseste enluminé de nos origines claniques et migratrices. Saint Yves de Vérité lui avait offert sa clairvoyance des choses anciennes et son horreur pour « tout ce qui est plat et banal » dans un dix-neuvième siècle qui vit le triomphe des uniformes : soutanes noires, tuniques bleues et blouses grises. Le vingtième siècle a pris le pli du précédant en mode rapide, effaçant les traces d’une culture archaïque en prônant l’abondance manufacturée, surenchèrissant avec inconséquence.

    En ce début du vingt et unième siècle, sur le parvis de la basilique d’Hennebont, revenu à ma ville natale, revenu à moi-même en compagnie de mes cousins pardonneurs. Je chemine en plein paradoxe. La procession avance à pas comptés. Elle fait halte à chaque coin de rue comme si elle cherche son souffle. Combien de temps encore, le sinueux simulacre se perpétuera-t-il ? Dans combien d’années, la fête profane prendra-t-elle le pas sur la fête religieuse pour la diluer puis la dissoudre ? Cette année, il n’y a pas eu de dialogue entre la foule qui processionnait et les badauds qui cédaient aux stridences des manèges assiègeant la ville close. Chacun dans sa file a esquivé l’autre, concédant à l’obéissance ou cédant à la tentation. Indifférence ou incompréhension ?

    Au Pardon de Sainte-Anne-La Palud où je m’étais aventuré un mois plus tôt, une autre juxtaposition du sacré et du profane induisait le mélange des genres entre les offices. Les baraques foraines ne désemplissaient pas pendant les messes solennelles et la foule basculait d’un lieu à l’autre pour se vouer et se dévoyer alternativement.

    Le temps où les recteurs et leurs vicaires se plantaient devant les manèges pour dissuader par leur présence silencieuse et sentencieuse les pèlerins de se divertir, ce temps béni est dépassé. Les curés ne font plus la loi dans les villes et les campagnes. Ils n’en ont plus ni le pouvoir ni la volonté. Les réjouissances profanes ne sont-elles pas indissociables du Pardon breton !

    L’erreur serait peut-être de dater le Pardon du Vœu à mon enfance pré-soixante-huitarde à l’instar de ces commentateurs qui dissertent sur les pardons en se contentant des commentaires de feu Anatole Le Braz. Le Pardon du Vœu souligne une permanence mariale de trois siècles mais ne perpétue-t-il pas une autre réalité, géographique et métaphysique, religieuse et communautaire !

    Porter la statue de Notre-Dame du Vœu le dernier dimanche de septembre dans les rues d’Hennebont, c’est répéter et respecter une promesse ancestrale, la prière des Hennebontais qui se vouèrent à la Vierge Marie en 1 699 pour se prémunir de la peste. L’année suivante, une statue d’argent fût portée en procession dans la cité miraculeusement sauvée du péril bubonique. Tant que les pardonneurs pérégrinent, le vœu est exaucé, la cité préservée. Le sait-on encore ?

    En 1792, la statue fut enlevée par les Révolutionnaires et fondue à Nantes. Âge sombre pour les pèlerins privés de représentation divine, exposés aux terreurs de la Raison. Au lendemain de la Révolution, une nouvelle statue arriva dans l’église restituée au culte. En 1900, son couronnement en présence de plusieurs dizaines de milliers de pèlerins fut l’écho terrestre du sacre céleste de la Vierge Marie. La statue devint la représentation solennelle de la Madone. Mille ans après le Concile de Nicée, l’évêque de Vannes accréditait trois cents ans de piété populaire en consacrant lui aussi le culte des images !

    Notre-Dame du Vœu n’est que la dernière née des Vierges votives hennebontaises. Elle prit lieu et place de Notre-Dame-du-Paradis qu’un forgeron avait installée en 1514, probablement inspiré par Notre-Dame de la Joie, honorée depuis 1 252 dans l’abbaye fondée aux portes de la ville par la duchesse Blanche de Champagne ; Notre-Dame s’étant elle-même substituée à sainte Marie de Kerguelen vénérée sur la rive droite du Blavet au onzième siècle. Voilà qui ramène au moyen âge et dans la vieille ville rasée en 1 250 par le duc Jean Le Roux, dans la paroisse Saint-Caradec dont la bannière blanche et bleue rappelle son antériorité sur les autres saints topiques.

    Caradec ? À quel saint faut-il que je me voue ? Caradec, Karadeg, Caratacos, Caradawc… C’est toujours la même origine dérivée de kar « ami ». Hormis l’étymologie et son ascendance galloise, les gens de lettres et les gens de la terre ne s’accordent sur aucune de ses vies. De la fin du cinquième siècle au début du douzième siècle, saint Caradec aurait cumulé plusieurs états. On le dit moine au pays de Galles, harpeur du roi Rhys, mais aussi prêtre et ermite à Trégomel à quelques dizaines de kilomètres d’ici. La fête paroissiale correspondrait à sa fin dernière, le 13 avril 1124.

    Ce saint breton est représentatif d’une hagiographie merveilleuse et légendaire. Saint par la volonté du peuple sans jamais avoir été adoubé par l’évêque de Rome, saint exemplaire car il incarne la nature atavique du Pardon breton qui relie les hommes et leur terre, le monde des vivants et la divinité, l’histoire et le mythe.

    Saint Caradec aurait pris possession de ces lieux avant Notre-Dame. Aurait-il aussi anticipé le christianisme ? Dans les Mabinogion, ces récits gallois qui ont précédé les romans courtois de la Table Ronde, plusieurs héros portent cet amical patronyme : le fils du roi Llyr, Caradawc Vreichvras fondateur de la dynastie de Morgannwg, mais aussi le fils du roi Bran Bendigeit que les Gallois identifient à Caratacos, fils de Cunobelinos roi des Trinovantes, vaincu en 49 après Jésus-Christ par le romain Aelius Plautus ! Continuant en amont de l’histoire, voilà Caradawc père du dieu de l’océan Manawydan…

    Pour un saint inconnu du calendrier de l’église universelle, voilà une généalogie merveilleuse. J’avoue que le saint homme, jadis invoqué par les futurs mariés à sa fontaine dans le bas de la rue Le Saec, mérite mon admiration pour sa capacité à traverser les âges et à résister aux réformes canoniques. Cette faculté d’adaptation me remplit d’aise alors que je m’interroge sur la pérennité du Pardon breton en ce siècle.

    « Eau non potable » annonce le panneau accroché à la fontaine de dévotion. Un filet d’eau verdâtre s’écoule de l’enclos encastré entre les murs gris. Les amoureux ont déserté un endroit sans agrément, abandonné au temps qui ride, fissure et grince. A vingt mètres, la chapelle Saint-Caradec n’est pas plus avenante. Porte fermée. Un avis municipal en interdit l’accès au paroissien, pour sa prétendue sécurité… La chapelle ne serait plus conforme aux normes. Elle n’est surtout plus à sa place dans une société du beaucoup avoir et du mal être.

    Une brise froide court dans la rue Trottier et gonfle la bannière du patron de la rive droite du Blavet. Un courant d’air qui rafraichit les idées et tourne les pages d’une Vita bien remplie. J’apprécie la lignée légendaire du moine : ces parentés annoncées comme des trophées qui se lisent encore dans un roman breton du douzième siècle, « Le Livre de Caradoc Briebras » à rapprocher de son cousin gallois Caradawc Vreichvras. Ce « Caradec aux gros bras » serait contemporain du sauvage anachorète, l’un roi du pays de Vannes, l’autre ermite à Tregomel. Entre la littérature courtoise et la légende chrétienne, je souhaite bien des nuits blanches à qui prétendrait démêler la réalité galloise de l’invention bretonne et vice-versa. 

    Continuation ! Telle est la règle que je suis et à laquelle je me suis familiarisé en lisant les hagiographies et les romans médiévaux, en arpentant les lieux-dits, en écoutant les contes et les légendes de ce pays qui n’en finit pas de m’intriguer.

    Le Pardon de Notre-Dame du Vœu est ce que les historiens des religions appellent un pélerinage urbain par distinction avec la fête rurale et champêtre. Effectivement la procession ne déborde pas du siège de l’ancienne sénéchaussée d’Hennebont. Au cœur de l’agglomération moderne, face à la mairie  communiste qui occupe le presbytère du xixe siècle, la basilique se situe hors de la ville close, sur la rive gauche, et à l’opposé de la motte féodale sur la rive droite du Blavet. Édifiée en dix ans, 1514-1524, sous la houlette de François Michard, « febvre dudict henbont » maréchal-ferrant et serrurier, qui se voua à Itron Varia ar Baradoz, Notre-Dame de Paradis, et mourut épuisé d’avoir bâti son chef-d’œuvre gothique.

    Avant d’être paroissiale, l’église fut la propriété de l’abbaye cistercienne de la Joie-Notre-Dame, dont l’abbesse jouissait du titre et des revenus de recteur. Le premier du nom est Guillemette Rivallen qui figure sur le vitrail central en compagnie du maître-bâtisseur. Naturellement dispensée de célébrer les offices, la Prieure se réservait un banc près de la table de communion et faisait porter la crosse abbatiale par un vassal pendant la grand-messe et les vêpres. Elle disposait aussi d’un vicaire perpétuel pour assurer l’intendance du lieu saint et accueillir les pèlerins, lesquels visitaient Notre-Dame-du-Paradis bien avant le vœu de 1 699.

    L’histoire de la basilique a ainsi occulté l’existence de la chapelle primitive construite au bord d’un petit étang qu’alimentait une fontaine de dévotion, un lieu si agréable qu’il fût baptisé le « Paradis ». Les pèlerins s’y rendaient en foule et se reposaient dans un bosquet à flanc de colline. Ce furent leurs offrandes autant que les subsides de l’abbaye qui financèrent les grands travaux de François Michard. 

    Une chapelle, une fontaine, un étang, un bois… Le Paradis ?

    Aurais-je enfin trouvé l’explication à une autre anomalie hennebontaise ? Comment se faisait-il que la basilique ne fut pas construite au faîte de la colline ! Un édifice aussi imposant devait dominer l’espace,  à l’instar des autres sanctuaires mariaux Notre-Dame de Quelven, Notre-Dame-de-la Tronchaye, Notre-Dame-du-Roncier, Notre-Dame-de-Rumengol… Accrochée à mi-pente, la basilique était à mi-chemin entre les mortels et Dieu. Elle se trouve aujourd’hui entre les vivants d’en bas et les morts d’en haut… Car à Hennebont, le cimetière surplombe la ville ! Les ancêtres veillent sans mot dire sur l’ancien Paradis.

    L’emplacement primitif a naturellement été conservé car il était le pont entre les cultes, entre les mondes, entre les saints d’hier et d’avant-hier, il était de facto sacré. Il était le locus consecratus d’Hennebont. L’architecte ne pouvait envisager un autre lieu. Il ne pouvait s’affranchir de la nature du lien. En d’autres temps, il en aurait été autrement.

    En 1835, lorsque Prosper Mérimée visita l’édifice, le porche occidental était lézardé et l’ensemble menaçait ruines. Douze ans plus tard, Cayot-Délandre alertait encore l’opinion : « Si l’on n’y prend garde, l’église d’Hennebont s’écroulera comme s’est écroulée la belle tour de Quelven ». Ni le temps ni les guerres n’ont cependant eu raison de l’église et de son clocher, pas plus les Ligueurs de 1 590 que les bombardiers anglo-américains de 1943-1944.

    Les maçons se sont succédé pour réparer les affres du temps et les folies humaines : 1709, 1803, 1906, 1 951… Plusieurs fois remanié, le clocher demeure un de mes repères avant d’arriver à Hennebont. 65,65 mètres ! une belle hauteur pour être vu de loin, pour être vu des pèlerins et leur donner l’allant pour une dernière heure de marche.

    à quatre kilomètres à l’ouest, la Montagne du Salut. L’usage y était de tirer son chapeau, de s’agenouiller et de se signer pour réciter une prière ou entonner un cantique. Le Salut à Notre-Dame du Paradis est du même ordre que l’Ultréïa à Santiago de Compostela ! Pardonneurs bretons et jacquets partageaient le même rite sur le chemin d’un autre monde.

    Aujourd’hui, la pérégrination se déroule dans la ville, réduite à une portion de bitume. Qui ne veut pas de l’autre : ceux qui prient ou ceux qui s’amusent. Qui et pourquoi interdire le mélange du profane et du sacré ? La peur sans doute, cette satanée catin qui traîne dans les esprits les plus forts et professe le non dit. Dommage car l’ami Caradec et la Bonne Dame ont vu bien d’autres carnavals coiffer les iconoclastes et des défilés plus sanguinaires raser les têtes.

    Cousue d’or et d’argent, la procession disparaît par où elle est apparue. Le porche à double baie cligne de l’œil. Une seule des deux portes est ouverte pour aspirer le flux des pèlerins. Les porteurs de croix et de bannières s’inclinent comme en allégeance pour entrer dans le sanctuaire. Je regarde leurs silhouettes muées en ombres dans le faux jour de l’automne. Le flux s’écoule pas à pas dans le vaisseau de pierre. Gothique finissant et millénaire ânonnant. La lourde porte bientôt se referme pour les ultimes incentations du Grand Pardon de Notre-Dame du Vœu. L’église a fermé les yeux. Derrière la porte close, les pardonneurs prient sans craindre la fureur du dehors.

    Il reste une loge vide sur le trumeau central du porche, une place qu’occupait jadis une Vierge à l’Enfant. Qu’est-elle devenue ? Volée, mutilée, mise sous séquestre… ? Dans la prochaine heure, le soleil éclairera son absence. Lorsque les hommes sortiront le soleil leur fera face, et j’aurai quitté ma ville natale, repris le chemin de mon promontoire d’adoption, ma besace remplie de souvenirs.

    Le dernier dimanche de septembre, revenu à Hennebont pour suivre la procession, pour entendre le Magnificat. Pendant leur marche lente, les pèlerins ont chanté des cantiques tristes d’amour, des airs graves pour se donner la cadence. Leurs voix se sont perdues dans les rues. Je me suis souvenu de mon enfance. Je me suis interrogé sur la généalogie de cette cérémonie, supputant les avant-guerres, imaginant le lieu bucolique, un Paradis au bord du Blavet. Recueillant des indices jusqu’au commencement du rite. Et parce que le monde s’emballe et se parjure par tout ce qui est plat et banal, je cherche dans le Pardon les reliques d’un temps qui soit ni éphémère ni mercantil, la persistance d’une pensée originale, la substance d’une tradition vivante. William-Butler Yeats en a écrit l’éloge sur les lieux enchantés de Sligo. « Les Églises du Moyen Âge réussirent à s’assurer le service de tous les arts parce que les hommes comprenaient que lorsque l’imagination est appauvrie, une voix essentielle - d’aucuns diraient : la seule voix - en faveur de l’éveil du sage espoir, de la foi durable, et de la charité compréhensive, ne peut proférer que des paroles brisées, si elle ne tombe pas dans le silence ». Ce silence menace la Bretagne de demain, un silence empreint de vulgarité et de mensonge si l’homme nie l’intelligence des choses, s’il se perd en faussant ses traditions et son imagination.

    Le dernier dimanche du mois de septembre, c’était jour du Grand Pardon de Notre-Dame du Paradis à Hennebont.



    Articles de presse

    « La Bretagne est le pays des Pardons. Depuis des temps immémoriaux, chaque année les hommes se rassemblent autour des six mille chapelles qui maillent le paysage et ta culture de la Bretagne Défiant les modes, ils y célèbrent huit cents saints légendaires dotes de pouvoirs mystérieux et avec lesquels ils entretiennent des relations bien particulières. Davantage qu'un pèlerinage, le Pardon breton mélange la fête religieuse et la foire profane. Les Pardonneurs se prêtent à des rites et à des pratiques que l'église a parfois mais en vain tenté d interdire au cours des derniers siècles : triple circumambulation autour du sanctuaire, baiser des statues et des reliques,

    ablution aux fontaines, accolement de mégalithes, embrasement de bûchers, offrandes et invocations, chants et danses, jeux…. Dans la Bretagne du XXIe siècle, de nombreux pardons rassemblent à la belle saison des centaines de milliers de Bretons qui perpétuent une tradition millénaire. La particularité du Pardon est de participer à une double culture, chrétienne et celtique, de se rattacher a un

    espace, la paroisse, et à  un temps, la fête du saint, qui s'enracinent dans un passé à la fois mythique et historique. C'est un extraordinaire voyage, de Sainte Anne d'Auray à Locronan, que Bernard Rio a réalisé, cheminant avec les pélerins du Tro Breizh, assistant au salut des bannières à Minihy Treguier, aux cavalcades des chevaux au pardon de Saint Gildas, à la bénédiction des vaches à Carnac, à la descente de l'ange qui enflamme le bûcher de Notre Dame de Quelven, à la Dérobée dansée à Moncontour… Un voyage étrange et merveilleux dans la Bretagne des Pardons.

    Cet ouvrage est remarquable à plus d'un titre C'est un beau livre, richement illustré des photographies de l'auteur C'est aussi,

    et avant tout, un vrai livre, pas la simple compilation des multiples essais sur la question. Bernard Rio sait de quoi il parle. Profondément enraciné dans sa région, auteur de nombreux ouvrages traitant de la matière et de la culture bretonne (patrimoine, environnement, tourisme, traditions, art de vivre ), son dernier ouvrage est un témoignage vécu. ll parle de pardons qu'il a suivis, il cite les textes qu'il a lus. Mais il y a plus encore, son ouvrage reflète une profonde connaissance parfaitement maîtrisée, abordant chaque thème de façon transversale, allant bien au-delà de la simple description événementielle, le tout servi par une écriture vive, érudite tout en restant accessible, qui rend a la lecture du texte un plaisir quasi romanesque.

    Bernard Rio lance aussi un cri qui est autant d'amour que d alarme. En suivant les Pardons d'aujourd'hui, et en cherchant les indices d'une longue filiation, il « cherche dans le pardon les reliques d'un temps qui soit ni éphémère ni mercantile, la persistance d'une pensée originale, la substance d'une tradition vivante ».  Il ressent la nécessaire complémentarité de tous les arts la seule voix n'étant

    pas suffisante pour ne pas basculer dans le silence. Avant d'ajouter «Ce silence menace la Bretagne de demain, un silence empreint de vulgarité et de mensonge si l'homme nie l'intelligence des choses, s'il se perd en faussant ses traditions et son imagination»

    Alors, pourquoi ne pas aller de ce pas suivre la Grande Troménie de Locronan qui reprend tous les six ans, au mois de juillet le même itinéraire immuable a travers les champs de blés et les talus, la continuation, d'après les historiens, d'un grand cérémonial

    celtique lié a la représentation du cycle calendaire. Douze stations et douze kilomètres à parcourir silencieusement en suivant le soleil. » 

    Jean-Yves Paumier, Le Nouvel Ouest, septembre 2007


     

    « Bernard Rio nous livre un précieux ouvrage sur les Pardons de Bretagne accompagné de ses propres photographies. A la lecture des textes, on imagine l’auteur, carnet de notes en poche et appareil photo sur l’épaule, vadrouiller de pardon en pardon à travers la Bretagne, du premier au dernier de la saison. Le ton adopté est celui du reporter, écrivant en sa propre personne et n’éhsitant pas à prendre position ou jouer au badaud, pour tenter de saisir l’ambiance « de l’extérieur ». Le reporter des pardons, une fois rentré chez lui, n’hésite pas à mettre en perspective les précieux témoignanges d’un temps révolu recueillis par Anatole Le Braz et publiés dans l’ouvrage intitulé Au Pays des Pardons, aimant aussi citer quelques vers bien trempés de Tristan Corbière, qui donnent une idée de l’ambiance du pardon de sainte-Anne-de-la-Palud à la fin du XIXe siècle.

    Le lecteur se promène ainsi des pardons aux chevaux aux pardons des oiseaux, dépeuplés d’oiseaux depuis que les interdictions de la préfecture en sont venues à bout – de la célèbre Troménie de Locronan au non moins célèbre pardon de sainte-Anne-d’Auray, découvrant au fil des pages des pratiques des plus étranges comme celle du mel beniguet (le marteau bénit, aveclequel on fracassait le crâne des morts) au pardon du Mané Guen, à Guénin, ou encore celle des croix de proëlla à Ouessant, censées faire revenir au pays natal l’âme des disparus. Sans compter tous les rites inhérents aux pardons autour de l’eau, du feu, de la terre et de la pierre, pouvant faire figure de pratiques magiques pour le visiteur qui les découvre »

    Aurélie Thépaut, ArMen,  novembre 2007


     

    « La Bretagne est le pays des pardons qui honorent les multiples saints locaux en mêlant solennité religieuse et réjouissances profanes. Bemard Rio leur consacre un bel ouvrage, exempt de tout folklore, de tout enthousiasme (le renouveau des pardons), de toute nostalgie (la perte de la pratique religieuse). Partant de la recension d'une

    quarantaine de pardons importants, il s'interroge sur le lien entre l'homme et le sacré, entre les nécessités de la vie et la quête du sens de la vie. Bien des saints sont d'abord thaumaturges et protecteurs, ils guérissent et conservent. On peut les supplier pour les corps souffrants et leur confier ses chevaux, son bétail ou l'espoir des ses moissons. Et cela, parfois sans hiérarchie. Saint Eloi veille sur la fécondité humaine et équine. II arrive aussi aux pardons de

    s'écarter de l'orthodoxie vaticane pour accueillir des parfums de légendes, des auras de mystères, de lointaines et vagues souvenances païennes. Qu'importe, le pardon demeure acte de religion, au sens étymologique. Il est lien entre soi et sa communauté humaine, entre soi et l'au-delà. Pardon des oiseaux ou pardon de saint Yves, Tromenie de Locronan ou pardon de sainte Anne le marcheur-pèlerin chemine en lui-même pour « remonter vers la source »,

    pour « prendre de la hauteur », et se confier, corps et âme, à l'ineffable incarné dans le visage d'une sainte ou d'un saint aimés pour leur ressemblance familière, familiale presque… »

    Yannick Pelletier, Ouest-France, 15 septembre 2007


    « Quelque huit cents saints bretons (reconnus ou non par Rome), environ six mille chapelles... C’est peu dire que la Bretagne est le pays des pardons. Ce livre, illustré de nombreuses photos en couleur, ne constitue pourtant pas une histoire de ces cérémonies bien particulières et n’en donne pas non plus une liste exhaustive. Le propos de Bernard Rio est autre : “Je cherche dans les pardons les reliques d’un temps qui ne soit ni éphémère ni mercantile; la persistance d’une pensée originelle, la substance d’une tradition vivante”. Soyons plus clair : ce que propose l’auteur, dans ces récits à la première personne, c’est une vision, une interprétation des rites et des pratiques qu’il a pu observer à travers une quarantaine de pardons, célèbres (saint Yves à Tréguier, Sainte-Anne-d’Auray, grande troménie de Locronan...) ou plus locaux, c’est-à-dire moins courus.

    Car, dans les pardons, bien des éléments se mélangent. Au fil des décennies et même des siècles, les croyances populaires et la dévotion religieuse se sont intimement mêlées, les traces d’un culte païen (pierre, arbre, eau etc.) se sont immiscées dans les cérémonies modernes, la mythologie celtique d’hier a rejoint les croyances et pratiques religieuses d’aujourd’hui, ce qui fait écrire à Bernard Rio que “les innombrables saints autochtones et dames mariales supportent des rites qui s’apparenteraient, hors de Bretagne, à la sorcellerie” !  A cet égard, l’auteur cite de nombreux exemples pris un peu partout en Bretagne, ce qui entraîne le lecteur dans un Tro Breizh un peu échevelé et dans un tourbillon d’observations, d’anecdotes et réflexions.

    Qu’importe : Dieu ou les divinités celtiques reconnaîtront sans doute ce qui leur appartient. Quant au lecteur, il aura retenu que le pardon breton est “une assemblée qui est plus qu’une fête, un pélerinage qui ne se réduit pas à une pérégrination, une cérémonie religieuse qui n’est pas simplement chrétienne ... »


    Yves Loisel - Le Télégramme - 20 juillet 2007